Traité de la Réintégration des êtres(extrait)
Dom Martinez de Pasqually




...Je t'ai dit il n'y a qu'un instant, qu'en prenant depuis le cercle terrestre jusqu'au
cercle divin, tu trouveras le nombre 12, qui a été le principe de la division du
temps, et le nombre 3, qui a été le principe de toute forme corporelle. Si tu
multiplies le nombre 3 par le quaternaire dont je viens de te parler, et qui se trouve
exactement dans les mondes terrestre, céleste et surcéleste, tu auras pour produit
ce même nombre 12, ou 3, qui te confirmera que la forme corporelle de
tous les êtres existants dans ces trois mondes provient de trois principes :
soufre, sel et mercure, dont je t'ai déjà instruit. En effet, aucun être ne peut se
revêtir de la substance d'une forme apparente sans qu'elle soit composée de
ces trois principes. Tu pourrais être étonné que je te parlasse de forme
corporelle pour les habitants du surcéleste ; tu dois sentir cependant que
tout être émancipé, pour opérer temporellement les volontés du Créateur,
se produit une enveloppe corporelle qui sert de voile à son action spirituelle
temporelle. Sans cette enveloppe, il ne pourrait rien opérer sur les autres êtres
temporels sans les consumer par la faculté innée de l'esprit pur de dissoudre
tout ce qu'il approche. Cette enveloppe corporelle glorieuse dont se revêtent les
habitants spirituels du surcéleste et du terrestre, n'est autre chose que la
production de leur propre feu. Ces êtres spirituels ont, à cet égard, la même
propriété que les esprits de l'axe central, qui ont en eux le pouvoir de faire
émaner de leur feu les trois essences fondamentales de leur propre corps, ou
forme glorieuse. L'opération des uns et des autres, quant à cet objet, est
absolument la même ; néanmoins il y a une très grande différence dans l'action
de ces trois sortes d'esprits : les esprits de l'axe n'ont chacun en eux qu'une seule
action ; ainsi ils ne peuvent opérer qu'une seule sorte de forme, et qu'après
l'opération immédiate d'un être supérieur qui les commande et en dispose à son gré,
et selon la volonté du Créateur. Mais les êtres spirituels habitant les trois mondes,
ayant à opérer des actions plus considérables et plus étendues, peuvent
se produire à chaque instant de nouvelles formes et les varier à l'infini selon leur
besoin, et selon l'objet qu'ils ont à remplir. Il est vrai que ces êtres spirituels
ne peuvent agir, ainsi que les esprits de l'axe, sans avoir reçu l'ordre du Créateur ;
mais quand ils l'ont reçu, ils ont en eux tout ce qu'il faut pour l'exécuter par eux-
mêmes, au lieu que les esprits de l'axe sont de simples sujets qui n'agissent
qu'autant qu'ils sont conduits, parce qu'ils n'ont pas l'intelligence. C'est là ce qui doit te faire concevoir que les essences et les formes corporelles des êtres spirituels, habitants des trois mondes, sont plus pures et plus subtiles que celles qui proviennent des esprits de l'axe. Tu pourrais me demander encore si ces mêmes essences spirituelles n'existent pas également dans l'immensité divine où résident une infinité d'esprits . Je te répondrai que les quatre classes d'esprits supérieurs, majeurs, inférieurs et mineurs terrestres, habitant dans l'immensité divine, n'ont jamais à opérer dans ce lieu que des actions et des
opérations spirituelles divines, sans aucun mélange d'opération matérielle
quelconque. C'est pour cela qu'une essence spiritueuse n'a jamais pu exister
et n'existera jamais dans ce lieu divin, qui est la résidence des esprits purs, où
s'opère toute émanation divine et d'où provient toute espèce d'émanation. De ces quatre classes d'esprits purs, la supérieure et la majeure n'ont jamais en elles aucune loi de production d'essences spiritueuses ; aussi ces êtres sont-ils appelés esprits supérieurs et majeurs purs et divins, et leur action est infiniment plus considérable que l'action des deux autres classes, ainsi que l'enseigne leur dénomination. Les esprits de ces deux dernières classes, au contraire, avaient en eux cette loi de reproduction d'essences spiritueuses temporelles ; mais ils ne reçurent la puissance de l'opérer qu'au moment de leur émancipation, pour la formation du monde temporel qui devait servir à la molestation des esprits prévaricateurs, ce que je t'expliquerai après t'avoir instruit des différentes lois et
puissances que le Créateur a données aux différents esprits émancipés de son
immensité ; tu sais que la première classe de ces esprits est la supérieure ;
aussi porte-t-elle le nombre dénaire ; la seconde est la majeure : son nombre est
le septénaire ; la troisième est l'inférieure : son nombre est le ternaire ;
et la quatrième est la mineure portant le nombre quaternaire ; ces quatre à la fois
t'enseignent que le quaternaire appartient directement au Créateur, et que tous les
êtres émanés et émancipés, ainsi que leurs lois et leurs puissances, proviennent
de ce même nombre quaternaire, ou de la quatriple essence de la Divinité, qui
renferme tout. Si tu joins ce dernier nombre quaternaire au nombre 12, produit du quaternaire de 3, tu trouveras le nombre 16, ou 7, produit spirituel qui te prouve que rien n'existe et ne peut exister que par l'esprit, et qui te prouve en même temps que ton émanation est spirituelle. Tu as vu que les esprits, qui résident dans l'immensité divine, ont en eux des actions et des puissances purement spirituelles, et cela ne peut être autrement, attendu que tout esprit qui actionne et opère en face de la Divinité ne peut être sujet au temps ; mais les esprits qui actionnent et opèrent dans le surcéleste, le céleste et le terrestre, étant destinés à accomplir la manifestation temporelle de la justice et de la gloire du Créateur, ont des puissances et des opérations spirituelles temporelles bornées par leur assujettissement au temps. Lorsque le temps sera passé, ces esprits ne passeront point ; ils changeront seulement d'actions et d'opérations, c'est-à-dire qu'ils seront réunis à leur premier principe d'opérations purement spirituelles divines, comme les esprits qui habitent actuellement l'immensité divine. Il ne faut pas croire que la place que ces esprits, qui sont temporels aujourd'hui, occupaient dans l'immensité divine avant l'établissement du temps, soit restée vide après qu'ils ont été émancipés par leurs opérations spirituelles temporelles. Il ne peut y avoir du vide auprès du Créateur, ni dans son immensité ; cette immensité n'ayant pas de bornes, tous les esprits y trouvent facilement leur place dès qu'ils sont émanés du sein du Créateur ; et aussi cette immensité s'étend à mesure que le Créateur émane des esprits de son sein. C'est ce qui te fait sentir qu'il est impossible d'admettre de plein ni de vide dans l'immensité divine, qui s'accroît et s'accroîtra toujours par l'émancipation infinie que le Créateur opère et opèrera continuellement. Il ne faut pas croire non plus que les esprits que le Créateur émane sans cesse de son sein, se placent sans ordre et confusément, sans comparaison, comme une troupe d'hommes ou d'animaux épars au gré de leur caprice ; ces êtres divins reçoivent, avec l'émanation, des lois et des puissances, selon leurs facultés d'opérations divines spirituelles : ils vont en conséquence prendre leur place dans les différentes classes spirituelles dont je t'ai parlé, et où ils accomplissent chacun en particulier leurs différentes opérations. C'est là ce qui constitue cette fameuse immensité divine, incompréhensible non seulement aux mortels, mais même à tout esprit émané. Cette connaissance n'appartient qu'au Créateur. Il faut remarquer Israël, que, parmi ces classes spirituelles fondées avant le
temps dans l'immensité divine, la classe mineure ternaire n'était pas alors celle du mineur spirituel divin quaternaire, ou de l'homme. En effet, tu dois être ainsi instruit pour savoir que le mineur n'était pas encore émané, et que l'ordre d'émanation des mineurs spirituels n'a commencé qu'après la prévarication et la chute des esprits pervers. Pour te faire connaître cette émanation spirituelle, de même que le changement que le crime des démons opéra dans les actions et les opérations des habitants de l'immensité, je te dirai avec vérité d'après l'Eternel, qu'à peine les esprits pervers furent bannis de la présence du Créateur, les esprits inférieurs et mineurs ternaires reçurent la puissance d'opérer la loi innée en eux de production d'essences spiritueuses, afin de contenir les prévaricateurs dans des bornes ténébreuses de privation divine. En recevant cette puissance, ils furent sur-le-champ émancipés ; leur action, qui était pure spirituelle divine, fut changée aussitôt que l'esprit eut prévariqué ; ils ne furent plus que des êtres spirituels temporels, destinés à opérer les différentes lois que le Créateur leur prescrivait pour l'entier accomplissement de Ses volontés, C'est alors que les mineurs spirituels quaternaires furent émanés du sein de la Divinité, et qu'ils occupèrent dans l'immensité divine la place dont les esprits mineurs ternaires venaient d'être émancipés pour opérer temporellement. Il faut que tu saches, Israël, que le changement qu'opéra la prévarication des esprits pervers fut si fort que le Créateur fit force de loi, non seulement contre ces prévaricateurs, mais même dans les différentes classes spirituelles de l'immensité divine. Tu dois le concevoir par la vie de confusion que tu mènes ici bas, par la création du temps, et par les différentes actions qui s'opèrent dans le surcéleste, le céleste et le terrestre, où tout t'enseigne le changement universel produit par cette prévarication ; mais cependant, comme cette prévarication arriva avant que les mineurs fussent émanés, ils ne purent en recevoir aucune souillure ni aucune communication ; aussi n'arriva-t-il pour lors aucun changement dans leur classe, et c'est pour cette raison qu'ils furent les dépositaires de la grande puissance de la Divinité. Oui, Israël, la redoutable puissance quaternaire leur fut confiée, et cela ne pouvait être autrement, ces mineurs étant des esprits purs et sans tache émanés du sein de la justice et de la sainteté mêmes, pour manifester la gloire et la force du Créateur ; ils n'avaient eu aucune connaissance du mal, ni directement, ni indirectement ; il était donc convenable que le Créateur comblât de tous ses dons des êtres aussi justes, et qu'Il leur donnât des pouvoirs conformes à la pureté de leur nature spirituelle et au dessein qu'Il se proposait en les émanant de Son sein. Voilà d'où vient la grandeur de la puissance et de la vertu du mineur, et voilà pourquoi ces lois d'action et d'opération ne furent point dérangées par
le changement que la prévarication des esprits pervers occasionna dans les autres
classes de l'immensité divine. Cette puissance de l'homme était si considérable que, malgré sa prévarication même, il est encore supérieur à tout autre esprit spirituel, soit émané, soit émancipé. Tu peux voir en effet par la figure qu'aucun être spirituel n'a conservé aussi distinctement que l'esprit mineur la correspondance directe et principale avec le Créateur : vois la ligne perpendiculaire qui descend du centre du premier cercle surcéleste jusqu'au centre du corps général terrestre représenté par la figure triangulaire ; c'est cette perpendiculaire qui marque la supériorité sur tous les êtres. Le Créateur a tellement voulu conserver l'autorité puissante du mineur que, malgré que ce mineur ait prévariqué, le Créateur a distingué la force de la loi dont il a usé envers lui d'avec celle dont il a usé envers les premiers esprits prévaricateurs ; ceux-ci sont condamnés par un décret de l'Eternel à ne pouvoir agir qu'en privation divine pendant toute une éternité temporelle, et à n'avoir aucune communication du Créateur, ni de ses intelligences ; le mineur, au contraire, n'a point perdu cette communication ; il a conservé la faculté et la puissance première qu'il avait reçue dès son émanation dans le corps universel. Mais le Créateur, ne pouvant laisser la faute de l'homme impunie, a changé véritablement les lois d'action et d'opération spirituelles que les mineurs ont à faire dans cet univers ; et c'est là la
matière dont le Créateur fit force de loi contre Son mineur. Si tu me demandes quel est ce changement des lois de l'action et de l'opération du mineur, je te répondrai qu'il faut entendre par là que le mineur, depuis sa prévarication, est assujetti à opérer comme un être purement spirituel temporel, sujet au temps et à la peine du temps, au lieu que, dans son premier principe, étant homme-Dieu de la terre et de toute la création, il ne pouvait être sujet à cette peine du temps. Depuis sa prévarication, il est provenu de lui des formes corporelles matérielles, et sujettes, comme la sienne, à la peine temporelle, au lieu que, s'il fût resté dans son état de gloire, il ne serait émané de lui que des formes corporelles spirituelles et impassives de la création, formes dont le Verbe était en lui. Tel est le changement qui s'est fait dans les lois d'action et d'opération du premier mineur ; il avait la puissance, dans son état de gloire, de faire usage des essences purement spirituelles pour la reproduction de sa forme glorieuse, au lieu que, depuis son crime, étant condamné à se reproduire matériellement, il ne peut faire usage que des essences spiritueuses matérielles pour sa reproduction. Je t'ai dit qu'Adam avait inné en lui le Verbe puissant de création de sa forme spirituelle glorieuse ; tu peux aisément t'en convaincre en réfléchissant que, pour, opérer aujourd'hui la reproduction de la forme matérielle, il faut que tu aies en toi un Verbe qui actionne, émane et émancipe hors de toi des essences spiritueuses suivant la loi de nature spirituelle temporelle ; car, pour procréer ta ressemblance corporelle, tu n'as pas recours à d'autres principes d'essences spiritueuses que ceux qui sont innés en toi ; et si tu voulais, de ton chef, employer des principes opposés à ta substance d'action et d'opération spirituelle divine et temporelle, il n'en proviendrait pas de reproduction, ou, s'il en provenait une, elle resterait sans participation d'opération divine, elle serait mise au rang des brutes ; elle y serait même regardée comme un être surnaturel, et elle répugnerait à tous les habitants de la nature temporelle. Ne doute point, Israël, que, puisque tu as inné en toi un Verbe de reproduction matérielle, ton premier père n'ait eu en lui un Verbe de reproduction spirituelle et glorieuse. Ce changement terrible auquel le Créateur a assujetti Adam, était la moindre peine qu'il pût infliger à Son mineur prévaricateur, le crime de ce mineur ayant été si violent et si considérable, que l'abomination et le scandale de cette inique opération pénétrèrent jusque dans la cour divine. La prévarication des premiers esprits avait déjà souillé cette cour divine, ainsi que je l'ai dit précédemment, et, par conséquent, cette souillure avait assujetti tous les êtres spirituels, habitant les différentes classes de cette cour, à un changement dans leur loi d'action et d'opération. Mais la prévarication étant infiniment plus grande que celle des démons, ces mêmes esprits, habitants de l'immensité, ressentirent alors une attraction encore plus forte que la première fois, et cette maudite opération de l'homme opéra sur eux un nouveau changement dans leurs lois d'action et d'opération, c'est-à-dire qu'à l'instant du crime d'Adam, le Créateur fit force de loi sur les êtres spirituels de Son immensité, et leurs lois d'action et d'opération ne furent plus les mêmes qu'elles étaient, non seulement avant la prévarication des premiers esprits, mais lors de l'émanation du premier homme. Vois quelles ont été les suites de cette horrible prévarication. Ne prétends jamais, Israël, comparer la force de loi dont les hommes usent entre eux avec celle que l'Eternel a employée contre toute Sa créature spirituelle temporelle : la force de loi que les hommes ont établi parmi eux est toute matérielle et fondée sur les conventions humaines (cela est si vrai qu'elles ne peuvent jamais avoir lieu sans le secours d'un nombre d'hommes proportionné à l'intention du chef temporel, législateur du peuple qu'il gouverne). Aussi l'exécution de cette force de loi temporelle n'est pas toujours entière ni parfaite ; mais la force de loi divine n'a besoin que de la seule volonté du Créateur pour avoir son accomplissement. Le Créateur, pour mettre un être quelconque en privation divine, ne Se fonde ni sur les secours de Sa cour divine, ni sur celui d'êtres spirituels divins temporels, et bien moins encore sur l'emploi de cette matière grossière en usage parmi les hommes ; il ne Lui faut que Sa seule pensée et que Sa seule volonté pour que tout agisse selon Son gré. Voilà quelle est l'infinie différence de la force de la loi divine éternelle et immuable à la force de la loi humaine qui passe et s'efface aussi promptement que la forme corporelle de l'homme s'efface de dessus la terre dès que l'esprit mineur se sépare de cette forme......


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