DE LA SIGNATURE DES CHOSES
Extraits de Jacob Boehme

Le désir de liberté est appelé Dieu, et le désir de la Nature est appelé la colère de Dieu. C'est le monde obscur, le premier Principe, et le monde lumineux est le second Principe. Ils ne sont pas séparés l'un de l'autre ; ils vivent ensemble, ils sont la cause et la cure l'un de l'autre, et celui des deux qui se meut se manifeste au-dehors par son caractère.

Cette seconde part de la Matière, qui veut être délivrée de la Colère, s'abaisse au-dessous d'elle-même : c'est une eau que la colère tient prisonnière. La colère produit les minéraux ; et la liberté, c'est l'eau générée avec le feu, par la mort, dans la douceur de la lumière.

Si tu es mage, il faut que tu saches changer la nuit en jour, car la nuit, source des ténèbres, est le bouillonnement de l'angoisse de la mort ; et la source du jour lumineux, c'est la splendeur de la vie. Christ a rallumé cette splendeur dans l'humanité, en revivifiant l'homme. Or, si tu veux teindre, il faut que tu changes de nouveau la constriction de la mort nocturne en jour. Néanmoins, le jour et la nuit sont ensemble comme une seule essence.

Le paradis est encore en ce monde, mais l'homme en est éloigné jusqu'à ce que la régénération soit accomplie. Alors il peut y entrer selon le mode de la réintégration, mais non selon celui de l'Adam élémentaire.

Le moi ne cherche que ce qui peut lui servir ; l'abandon ne désire que la Mère éternelle. Le premier lui dit : "Tu es fou de t'abandonner à la mort, tu vivrais magnifiquement en moi". Et le second lui répond : "Tu es mon dégoût et mon tourment, tu ne peux que me conduire hors de l'éternité, dans la misère, pour donner mon corps à la terre et mon âme à l'enfer".

Le véritable abandon est la mort du dégoût de Dieu ; celui qui quitte son moi et qui se rend, de tout son coeur, de tous ses sens et de toute sa volonté à la miséricorde divine, dans la mort de Jésus-Christ, est mort à la terre ; c'est un homme double ; le dégoût se suicide en lui et la volonté abandonnée vit et ressuscite avec le Christ ; et, bien que le désir propre pèche puisqu'il ne peut pas faire autre chose, la volonté abandonnée vit, non pas dans le péché, mais dans la terre des vivants par le Christ, tandis que le moi vit dans le pays des morts.