PENSÉE 4
LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN


Seigneur, comment nous serait-il possible ici-bas de chanter les cantiques de la Cité sainte ? Est-ce du milieu des torrents de nos larmes que nous pouvons faire entendre les chants de la joie et de la jubilation ?

Si j'ouvre la bouche pour en former les premiers sons, les sanglots m'oppressent et je ne puis laisser échapper que des soupirs et que les accents de la douleur ; et souvent même ces sanglots s'étouffent dans mon sein, ou bien nulle oreille charitable n'est près de moi pour les entendre et m'apporter du soulagement. Je me sens accablé par l'étendue et la longueur de mes souffrances, et le crime ne cesse de se présenter à moi, pour m'annoncer que dans un instant la mort va le suivre et glacer tout mon être par la froideur de ses poisons ; déjà elle s'est emparée de tous mes membres, et je touche au moment d'être délaissé comme le cadavre qui vient d'expirer, et que les serviteurs abandonnent à la putréfaction.

Cependant, Seigneur, puisque tu es la source universelle de tout ce qui existe, tu es aussi la source de l'espérance ; et si ce rayon de feu ne s'est point encore éteint dans mon cœur, je tiens encore à toi, je suis encore lié à ta vie divine par cette immortelle espérance qui découle continuellement de ton trône. J'ose donc t'implorer du sein de mes abîmes ; j'ose appeler à mon secours ta main bienfaisante pour qu'elle daigne s'employer à ma guérison. Comment est-ce qu'elles s'opèrent les guérisons du Seigneur ?

C'est par la docile soumission aux sages conseils de ce médecin divin. Il faut que je prenne avec reconnaissance et avec un ardent désir, le breuvage amer que sa main me présente ; il faut que ma volonté concoure avec celle qui l'anime pour moi ; il faut que la longueur et les souffrances du traitement ne me fassent pas repousser le bien que veut me faire ce suprême auteur de tout bien ; il se pénètre du sentiment de mes douleurs, je n'ai autre chose à faire que de me pénétrer du sentiment de son charitable intérêt pour moi.

C'est par là que la coupe du salut me sera profitable ; c'est alors que ma langue reprendra sa force, et que je chanterai les cantiques de la Cité sainte. Seigneur, quel sera mon premier cantique ? Il sera tout entier à l'honneur et la gloire de celui qui m'aura rendu la santé et qui aura opéré ma délivrance. Je le chanterai ce cantique depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher ; je le chanterai par toute la terre, non seulement pour célébrer la puissance et l'amour de mon libérateur, mais pour communiquer à toutes les âmes de désir et à toute la famille humaine, le moyen certain et efficace de recouvrer à jamais la santé et la vie.

Je leur apprendrai que par là, l'esprit de sagesse et de vérité se reposera sur leur propre cœur, et les dirigera dans toutes leurs voies. Amen.

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