L'ESPÉRANCE

Pour travailler ensemble sur l'Espérance, les Frères et Soeurs du Chapitre La Polaire qui avaient pu se libérer ce soir-là se sont réunis chez l'un d'eux et ont oeuvré en commun dans la joie, la paix et l'harmonie.


Nous insisterons sur le fait que ce qui devait être un simple échange d'idées à mettre par écrit s'est révélé être un moment d'émotion profonde et de découverte de la Beauté que Dieu révèle à ceux qui sont attentifs à Ses cadeaux.


Nous avons d'abord profondément ressenti que l'espérance est un moteur qui nous tend vers le futur, un futur que Dieu nous prépare en proportion de la joie confiante que nous avons en Son Amour. C'est tout un état d'être, un élan qui nous porte vers le paradis perdu d'où nous sommes tombés dans le passé et vers lequel nous aspirons à être réintégrés, paradis que nous redécouvrons en espérance sans l'avoir jamais vu.


Dans cet élan l'espérance n'est pas une consolation pour les faibles mais au contraire une sublimation de la foi et une marche vigoureuse vers la Lumière. Nous avons compris aussi que, bien que notre espérance de martinistes soit naturellement dirigée vers Dieu, l'espérance peut animer le coeur d'hommes qui n'adhèrent pas à l'idée de Dieu. Leur espérance les porte vers l'amélioration matérielle et morale de l'humanité.


Pour eux comme pour nous, l'espérance est la flamme qui donne à la volonté la force de continuer l'Oeuvre à accomplir, au-delà des sautes d'humeur, des passions et des pulsions, des émotions subjectives et changeantes sur lesquelles on ne peut rien bâtir de durable.


C'est pourquoi elle est dessinée dans la symbolique chrétienne par une ancre de marine, à la suite de l'expression biblique (Hébreux 6:19): par elle la barque de notre coeur est ancrée sur le Roc (Matthieu 7:25) et nous pouvons affronter les tempêtes sans faiblir, même si nous sommes secoués et bouleversés en apparence. Car, de même que la Lumière ne peut pas briller sans créer des ombres, l'espérance existe parce qu'il y a la crainte.


Une autre piste est alors apparue: que l'espérance est basée sur la mémoire des grandeurs entrevues. L'épître aux Hébreux décrit une foule de témoins pour lesquels Dieu a accompli des merveilles, et nous savons par l'expérience que ces miracles continuent aujourd'hui pour nous. Ce n'est pas de la foi aveugle, c'est de la mémoire d'événements réels. Chacun de nous avait plusieurs histoires à raconter à ce sujet, et vous aujourd'hui en auriez encore davantage à partager encore!


L'espérance nous fait sortir de nos peurs et de nos craintes, elle est l'élan de "l'amoureuse audace" que décrivent tant de mystiques depuis Maître Eckart.


Nous avons fait un détour par la kabbale. L'espérance se dit Tiqva (tav qof vav hé) et ce mot a aussi le sens de cordon, de corde (Josué 2:18-21): quelle belle image!


Quelques textes ont soutenu notre recherche: par exemple la Bible décrit l'armure du chevalier spirituel, et compare l'espérance à un casque qui accompagne la cuirasse de la foi et de la charité (1° Thessal 5:8) (comparez avec Sagesse 5:17-21; Isaïe 59:17 et 61:10; Romains 13:12; 2° Cor 6:7 et 10:4; Ephésiens 6:10-17).


Nous avons lu Péguy qui a consacré un livre entier à l'espérance, petite fille entre ses deux grandes soeurs la Foi et la Charité, qui paraît portée par elles mais qui en réalité les fait avancer (Le porche du mystère de la Deuxième vertu, 1929, Gallimard).


Nous avons lu Jean-Paul 1er, élu et mort en 1978, qui a consacré l'un de ses rares textes à l'espérance.


Nous avons aimé la formulation de Vatican II: "L'élan de l'espérance préserve de l'égoïsme et conduit au bonheur de la charité." (Catéchisme de 1992, paragraphe 1818). C'est parce que nous avons l'espérance que la charité martiniste nous est une joie de par sa seule application, même sans en voir les fruits. C'est par l'espérance que le Caritas! de notre Rituel prend son poids et son efficacité.


Nous avons comparé différence formulations de l'acte d'espérance: celui officiel d'avant Vatican II qui disait :


"Mon Dieu, j'espère, avec une ferme confiance, Ta grâce en ce monde et le bonheur éternel dans l'autre, parce que Tu l'as promis et que Tu tiens toujours Tes promesses."


Et celui plus contemporain, d'origine privée, non liturgique, qui dit :


"Mon Dieu, je sais que Tu referas les merveilles que Tu fis autrefois, dont j'ai été le témoin et dont je garde le souvenir."


En fait, le Notre Père de notre Rituel est le résumé de tout ce que la foi nous fait connaître, de ce que l'espérance nous fait désirer, et de ce que la charité nous fait accomplir en actes. Car Dieu attend de nous une action lumineuse dans ce monde-ci à la hauteur de notre espérance : nous ne pouvons pas agir timidement et peureusement "comme ceux qui n'ont pas d'espérance"( 1° Thessal 5). La folie de l'amour divin s'enflamme par l'espérance et se prouve par l'action.


L'espérance est une source inépuisable de joie intérieure. C'est ce que nous avons ressenti lors de notre travail en commun, et ce que nous avons emporté dans nos coeurs en nous séparant. Et c'est cette même joie solide et ensoleillée que nous souhaitons à tous les Frères et Soeurs de l'Ordre en cette fête solsticiale.



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