EMMANUEL SWEDENBORG
TRAITE DES REPRESENTATIONS ET DES CORRESPONDANCES
Traduit du latin par J.-F.-E. LE BOYS DES GUAYS (1857)

CORRESPONDANCE DE L'ODEUR ET DES NARINES AVEC LE TRES-GRAND HOMME


4622. Les Habitacles des heureux dans l'autre vie sont variés, construits avec un tel art qu'ils sont pour ainsi dire dans l'art architectonique lui-même, ou immédiatement d'après l'art lui-même ; sur les habitacles des heureux, voir ce qui en a précédemment été dit d'après l'expérience, n° 1119, 1626, 1627, 1628, 1629, 1630 ; ces habitacles se manifestent à eux non seulement devant la vue, mais aussi devant le toucher ; car toutes les choses qui sont là sont adéquates aux sensations des esprits et des anges, ainsi elles sont d'une telle nature qu'elles tombent non sous le sens corporel tel qu'il existe pour l'homme, mais sous le sens dont jouissent ceux qui sont là : je sais que cela est incroyable pour un grand nombre d'hommes, mais c'est parce qu'on s'imagine que ce qui ne peut pas être vu par des yeux corporels, ni touché par des mains de chair, n'est rien ; c'est de là qu'aujourd'hui l'homme, dont les intérieurs ont été bouchés, ne sait rien de ce qui existe dans le monde spirituel ou dans le ciel ; il dit, il est vrai, d'après la Parole et d'après la Doctrine, qu'il y a un ciel, et que les anges qui l'habitent sont dans la joie et dans la gloire, et il ne sait rien de plus ; il désire, à la vérité, savoir comment les choses s'y passent, mais quand on le lui dit, il n'en croit cependant rien, par la raison que de cœur il en nie l'existence ; quand il désire savoir, c'est seulement parce qu'alors il est dans la curiosité d'après la doctrine, et non dans le plaisir d'après la foi ; ceux qui ne sont point dans la foi nient aussi de cœur ; toutefois, ceux qui croient s'acquièrent des idées sur le ciel, sur sa joie et sa gloire, par divers moyens, chacun par les moyens qui appartiennent à sa science et à son intelligence ; mais les simples, par des sensitifs qui appartiennent au corps ; néanmoins, la plupart ne comprennent point que les esprits et les anges jouissent de sensations beaucoup plus exquises que les hommes dans le monde, à savoir de la vue, de l'ouïe de l'odorat, d'un analogue du goût, et du toucher, et surtout des plaisirs des affections ; si seulement ils croyaient que leur essence intérieure doit être l'esprit, et que le corps et aussi les sensations et les membres du corps sont seulement adéquats aux usages dans le monde, et que l'esprit et aussi les sensations et les organes de l'esprit sont adéquats aux usages dans l'autre vie, alors d'eux-mêmes et presque spontanément ils viendraient dans des idées sur l'état de leur esprit après la mort, car alors ils penseraient en eux-mêmes que leur esprit doit être cet homme lui-même qui pense?

Et qui souhaite, désire et est affecté, et ensuite que tout ce sensitif, qui se manifeste dans le corps, doit appartenir proprement à l'esprit, et seulement au corps par influx ; et plus tard, ils confirmeraient cela chez eux de plusieurs manières, et enfin trouveraient ainsi plus de délices dans les choses qui appartiennent à leur Esprit que dans celles qui appartiennent à leur corps : la chose se passe effectivement ainsi, c'est-à-dire que ce n'est pas le corps qui voit, entend, odore, sent, mais que c'est son esprit ; c'est pourquoi, quand l'Esprit est dépouillé du corps, il est alors dans ses sensations, dans lesquelles il avait été lorsqu'il était dans le corps, et même dans des sensations bien plus exquises ; car les corporels, étant respectivement grossiers, rendaient les sensations obtuses, et encore plus obtuses, parce qu'il les plongeait dans les terrestres et dans les mondains : je puis affirmer que l'Esprit a la vue beaucoup plus exquise que l'homme ne l'a dans le corps ; puis aussi l'ouïe ; et, ce qui sera étonnant, le sens de l'odeur, et principalement le sens du toucher ; car les esprits se voient mutuellement, s'entendent mutuellement, se touchent mutuellement ; celui qui croit à la vie après la mort le conclurait aussi de ce qu'il ne peut exister aucune vie sans le sens, et que la qualité de la vie est selon la qualité du sens, et même que l'intellectuel n'est qu'un sens exquis des intérieurs, et l'intellectuel supérieur un sens exquis des choses spirituelles ; de là aussi, les choses qui appartiennent à l'intellectuel et aux perceptions de l'intellectuel sont appelées les sens internes. A l'égard du Sensitif de l'homme aussitôt après la mort, voici ce qui a heu : dès que l'homme meurt, et que chez lui les corporels deviennent froids, il est ressuscité dans la vie, et alors dans l'état de toutes les sensations, au point que d'abord à peine sait-il autre chose, sinon qu'il est encore dans son corps ; car les sensations, dans lesquelles il est, le conduisent à croire ainsi ; mais quand il aperçoit qu'il a des sensations plus exquises, et cela principalement lorsqu'il commence à parler avec d'autres esprits, il remarque alors qu'il est dans l'autre vie, et que la mort de son corps a été la continuation de la vie de son esprit. J'ai parlé avec deux hommes de ma connaissance le jour même qu'on les ensevelissait, et avec un qui par mes yeux vit son cercueil et le brancard, et comme il était dans toute la sensation qu'il avait eue dans le monde, il s'entretenait avec moi de ses obsèques, pendant que je suivais son convoi ; il me parlait aussi de son corps, en disant :

Qu'on le rejette, puisque je vis .ª Toutefois, il faut qu'on sache que ceux qui sont dans l'autre vie ne peuvent rien voir de ce qui est dans le monde par les yeux d'un homme ; mais que s'ils ont pu voir par mes yeux, c'est parce que par l'esprit je suis avec eux, et en même temps par le corps avec ceux qui sont dans le monde ; voir aussi n° 1880 : il faut en outre qu'on sache que ceux avec qui j'ai parlé dans l'autre vie, je les voyais non par les yeux de mon corps, mais par les yeux de mon esprit, et toujours aussi clairement et quelquefois plus clairement que par les yeux de mon corps ; car, d'après la Divine Miséricorde du Seigneur, les choses qui appartiennent à mon esprit ont été ouvertes ; mais je sais que ce que je viens de dire ne sera pas cru par ceux qui sont plongés dans les corporels, dans les terrestres et dans les mondains, c'est-à-dire par ceux qui les ont pour fin, car ils ne saisissent que les choses qui sont dissipées par la mort : je sais aussi que cela ne sera pas cru non plus par ceux qui ont beaucoup pensé et discuté sur l'âme, et n'ont pas en même temps compris que l'âme de l'homme est son esprit, et que son esprit est son homme lui-même qui vit dans le corps ; ceux-ci, en effet, n'ont pas saisi d'autre notion de l'âme, sinon que c'est quelque cogitatif, ou une sorte de flamme ou d'éther, qui agit seulement dans les formes organiques du corps, et non dans des formes plus pures qui appartiennent à son esprit dans le corps, et que par conséquent ce cogitatif doit être dissipé avec le corps ; et cette opinion appartient surtout à ceux qui s'y sont confirmés par les intuitions que leur soufflait la persuasion d'être plus sages que les autres.


4623. Toutefois, il faut qu'on sache que la vie sensitive des Esprits est double, à savoir, réelle et non réelle ; l'une a été distinguée de l'autre en ce que tout ce qui apparaît à ceux qui sont dans le ciel est réel, et que tout ce qui apparaît à ceux qui sont dans l'enfer est non réel : en effet, tout ce qui vient du Divin, c'est-à-dire, du Seigneur, est réel, car cela vient de litre même des choses et de la vie en Soi ; mais tout ce qui vient du propre de l'esprit est non réel, parce que cela ne vient pas de l'être des choses ni de la vie en soi ; ceux qui sont dans l'affection du bien et du vrai sont dans la vie du Seigneur, ainsi dans la vie réelle, car le Seigneur est présent dans le bien et dans le vrai au moyen de l'affection ; mais ceux qui sont dans le mal et dans le faux, au moyen de l'affection, sont dans la vie du propre, ainsi dans la vie non réelle, car dans le mal et dans le faux le Seigneur n'est point présent. Le réel est distingué du non réel en ce que le réel est en actualité tel qu'il apparaît, et que le non réel n'est point en actualité tel qu'il apparaît. Ceux qui sont dans l'enfer ont également des sensations, et ne peuvent que savoir que les choses sont réellement ou en actualité comme ils sentent, mais néanmoins quand as sont inspectés par des anges, les mêmes choses apparaissent comme des fantômes et sont dissipées, et eux-mêmes apparaissent non comme des hommes mais comme des monstres ; il m'a même été donné de m' entretenir avec eux sur ce sujet, et quelques-uns d'eux disaient qu'ils croient ces choses réelles, parce qu'ils les voient et les touchent, ajoutant que le sens ne peut tromper ; mais il me fut donné de répondre que, quoique ces choses leur apparaissent comme réelles, néanmoins elles ne sont point réelles, et que cela vient de ce qu'ils sont dans ce qui est contraire ou opposé au Divin, à savoir, dans les maux et dans les faux qu'en outre eux-mêmes, tant qu'ils sont dans les cupidités du mal et dans les persuasions du faux, ne sont que des fantaisies quant aux pensées ; et que voir quelque chose d'après les fantaisies, c'est voir ce qui est réel comme non réel, ce qui est non réel comme réel ; et que si, d'après la Divine Miséricorde du Seigneur, il ne leur eût pas été donné de sentir ainsi, ils n'auraient aucune vie sensitive, par conséquent aucune vie, car le sensitif fait le tout de la vie : rapporter toutes les expériences sur ce sujet, ce serait remplir un grand nombre de pages.

Qu'on se garde donc, quand on vient dans l'autre vie, d'être trompé par les illusions ; car les mauvais esprits savent présenter diverses illusions devant ceux qui arrivent récemment du monde, et s'ils ne peuvent tromper, du moins tentent-ils par ces illusions de persuader qu'il n'y a rien de réel, mais que tout est idéal, même ce qui est dans le Ciel.
4624. Quant à ce qui concerne la Correspondance du sens de l'Odorat, et par suite celle des Narines, avec le Très-Grand Homme, ceux qui sont dans la Perception commune appartiennent à cette Province, de sorte qu'ils peuvent être appelés des Perceptions ; à ceux-là correspond l'Odorat, par conséquent l'Organe de l'odorat ; de là vient aussi que, dans le langage ordinaire, flairer, sentir, avoir le nez fin, et aussi les narines, se disent de ceux qui par voie de conjectures touchent de près la chose, et aussi de ceux qui perçoivent ; car les intérieurs des mots du langage de l'homme tirent beaucoup de choses de la correspondance avec le Très-Grand Homme, et cela parce que l'homme quant à l'esprit est en société avec les esprits, et quant au corps avec les hommes.
4625. Mais les Sociétés dont se compose tout le Ciel, qui est le Très-Grand Homme, sont en grand nombre, et sont plus ou moins universelles ; à celles qui sont plus universelles correspond un Membre entier, ou un Organe entier, ou un Viscère entier ; à celles qui sont moins universelles correspondent des parties de membre ou d'organe ou de Viscère, et des parties de parties : chaque Société est une image du tout, car ce qui est unanime se compose d'autant d'images de soi-même : comme ces Sociétés plus universelles sont les images du Très-Grand Homme, elles ont en dedans d'elles des sociétés particulières, qui correspondent pareillement : je me suis parfois entretenu avec ceux qui, dans la Société où j'étais envoyé, appartenaient à la province des poumons, du cœur, de la face, de la langue, de l'oreille, de l'oeil, et avec ceux qui appartenaient à la province des Narines, et d'après ceux-ci, il m'a été donné de connaître quels ils sont, à savoir qu'ils sont des Perceptions ; car ils percevaient tout ce qui dans la Société arrivait dans le commun, mais non de même ce qui arrivait dans le particulier, comme le font ceux qui sont dans la province de l'oeil, car ceux-ci discernent et examinent les choses qui appartiennent à la perception : il m'a aussi été donné d'observer que leur perceptif varie selon les communs changements d'état de la société dans laquelle ils sont.


4626. Quand arrive un esprit, lors même qu'il est encore loin et caché, sa présence, néanmoins, toutes les fois que le Seigneur l'accorde, est perçue d'après une sphère spirituelle, et d'après cette sphère on connaît quelle est sa vie, quelle est son affection, et quelle est sa foi ; les esprits angéliques, qui sont dans une perception plus exquise, savent par là des choses innombrables sur l'état de sa vie et de sa foi : cela m'a été montré plusieurs fois. Ces sphères, quand c'est le bon plaisir du Seigneur, sont même changées en odeurs ; l'odeur elle-même est manifestement sentie : si les sphères sont changées en odeurs, c'est parce que l'odeur correspond à la perception ; et comme la perception est en quelque sorte une odeur spirituelle, de là aussi l'odeur descend ; mais on peut voir ce qui a déjà été rapporté d'après l'expérience, sur les Sphères, n° 1048, 1053, 1316, 1504 à 1519, 1695, 2401, 2489, 4464 ; sur la Perception, n° 483, 495, 503, 521, 536, 1383, 1384, 1388, 1391, 1397, 1398, 1504, 1640 ; sur les Odeurs qui' en proviennent, n° 1514, 1517, 1518, 1519, 1631, 3577.


4627. Mais ceux qui ont leur rapport avec les intérieurs des narines sont, quant à la perception , dans un état plus parfait que ceux qui ont leur rapport avec les extérieurs des narines, et dont il vient d'être parlé ; voici ce qu'il m'est permis d'en rapporter : je vis comme une salle de bain avec des sièges longs ou des bancs, et il s'en exhalait de la chaleur ; là, il m'apparut une femme, qui bientôt s'évanouit en un nuage noir‚tre ; et aussi j'entendis des enfants qui disaient qu'ils ne voulaient pas être là : peu après, j'aperçus quelques chœurs angéliques, qui étaient envoyés vers moi pour détourner les efforts de quelques mauvais esprits ; et alors tout à coup au-dessus du front apparurent des petits trous, les uns plus grands, les autres plus petits, par lesquels pénétrait une brillante lumière d'un beau jaune ; et dans ce lumineux, en dedans de ces trous, je vis quelques femmes dans une lumière blanc de neige ; et ensuite dans un autre arrangement il apparut de nouveau des petits trous par lesquels regardaient celles qui étaient en dedans ; et, de nouveau, d'autres petits trous par lesquels le lumineux ne pénétrait pas de même ; enfin je perçus une lumière d'un blanc éclatant : il me fut dit que c'étaient là les demeures de celles qui constituent la province des Narines internes, car ces esprits étaient du sexe féminin, et que la perspicacité de la perception de celles qui sont là est représentée dans le monde des Esprits par de tels trous ; en effet, les spirituels dans le Ciel sont représentés, dans le monde des Esprits, par des naturels, ou plutôt par des choses qui sont semblables aux naturels : ensuite, il me fut donné de converser avec elles ; et elles disaient que par ces trous représentatifs, elles pouvaient voir exactement ce qui se passait au-dessous, et que ces trous apparaissaient tournés vers les sociétés qu'elles cherchaient à observer ; et comme j'étais alors l'objet de leurs observations, elles disaient qu'elles pouvaient apercevoir toutes les idées de ma pensée, et aussi de la pensée de ceux qui étaient autour de moi ; elles disaient en outre que non seulement elles apercevaient les idées, mais qu'elles les voyaient même représentées devant elles avec variété ; ainsi, celles qui appartenaient à l'affection du bien par de petites flammes convenables, et celles qui appartenaient à l'affection du vrai par des variations de lumière ; elles ajoutaient qu'elles voyaient quelques sociétés angéliques chez moi et leurs pensées par des choses diversement colorées, par des couleurs de pourpre telles qu'il y en a sur les toiles peintes, et aussi par des couleurs d'arc-en-ciel dans un plan plus obscur, et que par là elles percevaient que ces sociétés angéliques étaient de la province de l'oeil. je vis ensuite d'autres esprits qui avaient été chassés de là et dispersés de côté et d'autre, et elles disaient que ces esprits s'étaient insinués chez elles, afin d'apercevoir quelque chose, et de voir ce qui se passait plus bas, mais dans le but de dresser des embûches ; cette expulsion était observée toutes les fois qu'arrivaient les chœurs d'anges, avec lesquels aussi je me suis entretenu ; ils disaient de ceux qui avaient été chassés qu'ils avaient leur rapport avec l'humeur qui sort par les narines, et qu'ils étaient hébétés et stupides, et aussi sans conscience, ainsi absolument sans perception intérieure : la femme que je vis, et dont j'ai parlé ci-dessus, signifiait les esprits du sexe féminin qui cherchent à tendre des pièges ; qu'il me fut aussi donné de parler avec celles-ci, et elles s'étonnaient que quelqu'un eût de la conscience ; elles ignoraient absolument ce que c'est que la conscience ; et quand je leur disais que c'est une aperception intérieure du bien et du vrai, et que si l'on agit contre cette aperception, il y a anxiété, elles ne comprenaient pas cela ; tels sont les esprits qui correspondent à l'humeur qui infeste les narines, et qui pour cela en est rejetée. Il me fut ensuite montré le Lumineux dans lequel vivent celles qui ont leur rapport avec les internes des externes ; c'était un lumineux parfaitement nuancé de veines de flamme d'or et de veines de lumière d'argent, les affections du bien y sont représentées par les veines de flamme d'or, et les affections du vrai par les veines de lumière d'argent. Et il me fut encore montré qu'elles ont des trous ouverts sur le côté, par lequel elles voient une sorte de ciel avec des étoiles dans l'azur ; et il me fut dit que dans leurs appartements, il y a une si grande lumière que celle de midi dans le monde ne peut pas entrer en comparaison; que chez elles la chaleur est comme celle qui existe sur la terre entre le printemps et l'été ; qu'il y a aussi des enfants chez elles, mais des enfants de quelques années, et qu'ils ne veulent point être là, quand arrivent ces femmes qui cherchent à tendre des pièges, ou ces humeurs qui découlent des narines. Il apparaît dans le monde des esprits d'innombrables Représentatifs de ce genre ; mais ceux-là étaient les représentatifs des perceptions dans lesquelles sont les esprits du sexe féminin qui correspondent à l'odorat des narines internes.


4628. De plus, quant à ce qui concerne les odeurs dans lesquelles se changent les sphères des perceptions, elles sont senties aussi manifestement que les odeurs sur la terre, mais elles ne parviennent point au sens de l'homme chez qui les intérieurs ont été fermés ; car elles influent par le chemin interne et non par le chemin externe. Ces odeurs proviennent d'une double origine, à savoir de la perception du bien et de la perception du mal ; celles qui proviennent de la perception du bien sont très agréables, s'exhalant comme de fleurs odoriférantes de jardin et autres objets odoriférants, avec tant de charme et de variété qu'il est impossible de l'exprimer ; dans des sphères de semblables odeurs se trouvent ceux qui sont dans le Ciel : au contraire, les odeurs qui proviennent de la perception du mal sont très désagréables, fétides et puantes, comme celles d'eaux corrompues, d'excréments, de cadavres, et sont nauséabondes comme celles de rats et de poux domestiques ; dans des sphères de semblables infections se trouvent ceux qui sont dans l'enfer : et, ce qui est surprenant, ceux qui sont dans ces mauvaises odeurs n'en sentent pas la puanteur ; et même ces infections sont pour eux délectables, et pendant qu'ils y sont, ils sont dans la sphère de leurs plaisirs et de leurs délices ; mais quand l'enfer s'ouvre, et que l'exhalaison en parvient jusqu'aux bons esprits, ceux-ci sont saisis d'horreur et aussi d'anxiété, comme dans le monde ceux qui se trouvent dans une sphère de semblables infections.


4629. Rapporter toutes les expériences que j'ai eues sur les sphères de perceptions changées en odeurs, ce serait écrire des volumes ; on peut voir ce qui en a déjà été dit, n° 1514, 1517, 1518, 1519, 1631, 3577 ; je puis seulement y ajouter celle-ci : un jour, j'ai perçu le commun de la pensée d'un grand nombre d'esprits sur le Seigneur au sujet de ce qu'a est né homme, et j'ai aperçu que ce commun consistait en de purs scandales ; car ce que les esprits pensent dans le commun et dans le particulier est manifestement perçu par les autres ; l'odeur de cette sphère était perçue comme une odeur d'eau croupie, ou d'eau corrompue par des ordures infectes.


4630. Au-dessus de ma tête se tenait invisible un esprit ; je perçus qu'il était présent d'après une puanteur semblable à la puanteur excrémentielle des dents ; et ensuite, je perçus une mauvaise odeur comme celle de corne ou d'os brûlé ; puis il vint une grande foule d'esprits semblables, s'élevant d'en bas non loin du dos, comme un brouillard, et parce qu'ils étaient invisibles aussi, je pensais qu'ils étaient subtils, et cependant mauvais ; mais il me fut dit que partout où la sphère est spirituelle, ceux-là y sont invisibles, mais que partout où la sphère est naturelle, ils y sont visibles ; car ceux qui sont naturels au point qu'ils ne pensent rien sur les spirituels, et ne croient point à l'existence de l'enfer et du Ciel, et qui néanmoins sont subtils dans leurs affaires, ceux-là sont tels, et sont appelés naturels invisibles ; et ils sont quelquefois manifestés aux autres par la puanteur dont il vient d'être parlé.


4631. Deux ou trois fois aussi, une odeur cadavéreuse vint me frapper, et comme je m'informai de quels esprits elle provenait, il me fut indiqué qu'elle venait d'un enfer où sont d'inf‚mes voleurs, des assassins, et ceux qui ont commis des crimes avec une insigne fourberie ; j'ai aussi senti quelquefois une odeur excrémentielle, et quand j'ai demandé d'où elle venait, il m'a été répondu que c'était de l'enfer où sont les adultères. Et quand l'odeur excrémentielle était mêlée avec une odeur cadavéreuse, il me fut dit que c'était de l'enfer où sont les adultères qui ont aussi été cruels ; et ainsi du reste.


4632. Un jour, pendant que je pensais au gouvernement de l'âme dans le corps, et à l'influx de la volonté dans les actions, j'aperçus que ceux qui étaient dans un enfer excrémentiel, alors un peu entr'ouvert, ne pensaient à autre chose qu'au pouvoir de l'âme sur l'anus, et à l'influx de la volonté pour pousser dehors les excréments ; par là je vis clairement dans quelle sphère de perception, et par suite dans quelle sphère d'infection ils étaient. Il m'arriva pareille chose pendant que je pensais à l'amour conjugal, alors ceux qui étaient dans l'enfer où sont les adultères ne méditaient que des débauches telles que celles des adultères, et des saletés. Et pendant que je pensais à la sincérité, ceux qui étaient dans la fourberie ne pensaient qu'à commettre des crimes avec fourberie.


4633. D'après ce qui a été dit sur les perceptions et aussi sur les odeurs, il est évident que la vie de chacun, par conséquent l'affection de chacun, est clairement manifestée dans l'autre vie : celui donc qui croit qu'on n'y sait pas quelle a été et par suite quelle est sa vie, et que là il peut cacher son mental (animus) comme dans le monde, se trompe beaucoup : là aussi sont mises en évidence, non seulement les choses que l'homme a connues sur lui-même, mais aussi celles qu'il n'a pas connues, c c'est-à-dire, celles que par un fréquent usage il a enfin plongées dans les plaisirs de la vie, car alors elles disparaissent de sa vue et de sa réflexion ; les fins mêmes de sa pensée, de son langage et de ses actions, qui par une semblable cause sont devenues cachées pour lui, sont très manifestement perçues dans le Ciel, car le Ciel est dans la sphère et dans la perception des fins.

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