COSMOLOGIE
Yvon Le Loup, dit Paul Sédir


Fludd enseigne qu'au commencement deux principes existaient seuls, procédant du Père : les Ténèbres et la Lumière, l'idée formelle et la matière plastique. Selon l'opération diverse de la lumière, la matière devint quintuple. Les mondes spirituel et temporel, soumis à l'action du type originel, devinrent, à la ressemblance de cette idée invisible, d'abord intelligibles, puis peu à peu manifestés par leur action réciproque. Ainsi fut produit l'être, ou la pensée à qui fut attribuée la création. Ceci est proprement le Fils, la seconde personne de la Trinité, qu'il appelle aussi le Macrocosme. II est divisé en régions Empyrée, Ethérée et Élémentaire ; elles sont habitées par des nations invisibles et innombrables ; la Lumière s'y répand et s'éteint dans les cendres obscures qui constituent ce troisième monde. Il y a trois hiérarchies ascendantes d'anges : les Téraphins, les Séraphins et les Chérubins ; par contre, trois hiérarchies sombres peuplées d'anges déchus. Le monde élémentaire est l'écorce, le résidu, la cendre, le sediment du feu éthéré. L'homme est un microcosme. Tous les corps renferment, comme autant de prisons, une parcelle d'esprit éthéré, un magnétisme intérieur, qui est leur vie. Ainsi tous les minéraux ont une certaine force végétative, toutes les plantes ont une sensibilité rudimentaire, tous les animaux un instinct presque raisonnable. L'alchimiste évolue donc les corps avec du feu matériel, le magicien opère par un feu invisible et l'adepte dissipe les erreurs au moyen du feu intellectuel.

Fludd enseigne que la lumière est l'agent de la vie universelle. C'est la cause de toutes les énergies et le médiateur ou, mieux, le ministre des volontés divines. Elle est au centre du monde, par conséquent derrière le soleil pour notre zodiaque ; elle est d'autant plus dynamique qu'elle est plus invisible.

Cette dernière idée semble empruntée à Dante, chez qui elle est la base de la constitution des neuf cercles de son Paradis et des neuf cercles de son Enfer.

Nous verrons plus loin comment s'explique l'Enfer. Tous les écrivains rosicruciens sont d'accord sur son existence mais, selon Gutmann, le Purgatoire est dans la conscience de chacun ; c'est donc d'une manière subjective, dont l'intensité est proportionnelle à la perfection selon laquelle nous obéissons à notre conscience.

L'existence de l'Enfer, par contre, est objective, et ceux que le Christ a rebaptisés peuvent le voir ; il provient, dans le développement cosmogonique, du royaume des Ténèbres.

II y a trois sortes de ténèbres : dans l'enfer, dans le ciel extérieur et sur la terre. Les deux premières sont les plus profondes. En outre, chaque créature contient des ténèbres, dont le degré constitue son opacité ou sa translucidité propre ; l'oeil de l'homme lui-même est enténébré, et l'obscurité qui le couvre ne se dissipe qu'au fur et à mesure de la purification morale.

Il faut, en outre, mentionner les ténèbres thaumaturgiques qui se produisent en dehors du cours ordinaire des choses et qui sont les signes d'une volonté particulière de Dieu. Il en est de même des éclipses de planètes.

Ainsi toute chose a ses ténèbres dans l'univers : et leur mère unique est la ténèbre du puits de l'Abîme, dont le grand Ange conserve la clef jusqu'au jour du jugement (1). L'homme intérieur est dans l'obscurité ; il passe dans la lumière quand il accomplit de bonnes actions, et le rayonnement de ces actes, quand il est assez fort, suffit à dissiper les ténèbres de l'homme corporel. Les pierres et les métaux peuvent aussi manifester leur lumière par l'opération de l'art ; c'est ce qu'enseigne l'alchimie.

Il ne faut pas croire que la partie ténébreuse de l'univers soit la création directe de Dieu. Dieu n'a jamais voulu le mal. Mais c'est la mauvaise volonté du diable qui a produit tout ce qu'il y a d'obscur et d'imparfait dans le monde. Ainsi l'homme n'est pas le maître des Ténèbres et, s'il ne renaît d'eau et d'esprit, il ne peut y porter la Lumière. Le gouverneur des Ténèbres est Lucifer, le prince de ce monde aidé par ses légions innombrables d'anges révoltés.

L'essence des Ténèbres est une chose déliée, insaisissable et incorporelle, beaucoup plus subtile que l'air et que l'eau ; leur remède est donc une chose de même nature, spirituelle et pénétrant tout ; c'est le rayonnement de la sainteté ; c'est la purification intérieure, par laquelle l'homme forme en lui-même une image de plus en plus ressemblante de la source de toute Lumière.

Rappelons que ces Ténèbres peuvent exister dans la nuit, dans le royaume des morts, dans les ténèbres extérieures.

Entre les cieux et la terre on compte sept choses, qui sont contraires l'une à l'autre et qui coexistent cependant : ce sont l'espace éthéré du firmament, l'air humide et l'air sec, la lumière, la chaleur, le froid et la terre ; la huitième sphère est la ténèbre.

Les êtres des trois mondes pris dans leur ensemble forment une échelle philosophique, kabbalistique et magique, la chaîne d'or qui retient l'oiseau hermétique, l'arbre de la science du bien et du mal, qui se développe selon les lois des nombres 4, 5 et 7.



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