le Régime Ecossais Rectifié
le Régime 
      Ecossais Rectifié
      Allocution du Grand Aumônier des Ordres des Chevaliers Maçons 
      chrétiens de France 
      Sérénissime Grand Maître, Révérendissime 
      Grand Maître adjoint, Très Respectable Député 
      Maître Général, Très Illustres et Très 
      Respectables Frères visitants, Nous célébrons aujourd'hui 
      trois événements :
      la commémoration, plus symbolique qu'historique, du 275e anniversaire 
      de la naissance de la Franc-maçonnerie en France ; la commémoration, 
      à la fois symbolique et historique, du 225e anniversaire de la constitution 
      du Régime Ecossais Rectifié au Convent de Lyon ; enfin une 
      autre commémoration, dont je vous parlerai un peu plus tard. 
      J'ai qualifié le 275e anniversaire de la Franc-maçonnerie 
      de " symbolique ", je pourrais même dire " traditionnel 
      ". C'est en effet la tradition, et non pas l'histoire, qui assigne 
      à 1728 l'installation du premier Grand Maître français 
      (lequel était d'ailleurs un Anglais, ancien Grand Maître de 
      la Grande Loge de Londres, le duc de Wharton ; ce n'est que dix ans plus 
      tard, en 1738, que fut élu le premier Grand Maître véritablement 
      français, le duc d'Antin.) Pourquoi, alors, cette commémoration 
      ? Parce que les changements qui ont affecté la réalité 
      maçonnique française se sont révélés 
      à la fois tellement rapides et tellement profonds, que ceux qui les 
      avaient initiés et soutenus ont estimé le moment venu de mettre 
      cette réalité nouvelle sur le devant de la scène, de 
      la montrer, avec l'aide de tous les moyens modernes de communication, telle 
      qu'elle est maintenant, en renversant ainsi nombre d'idées reçues. 
      
      Telle qu'elle est maintenant - telle qu'elle n'a pas toujours été 
      - et telle qu'il dépend de tous qu'elle demeure : à la fois 
      multiforme et unie ; autrement dit : multiple en ses formes et unique en 
      son fond, lequel est, bien entendu, l'initiation, ou plutôt le processus 
      initiatique. 
      C'est dans ce panorama d'ensemble que le Régime Ecossais Rectifié 
      prend sa place, toute sa place. Comme aux premiers temps de la Franc-maçonnerie. 
      Un bref rappel historique, à ce sujet. Si le Régime Ecossais 
      a bien été constitué au Convent des Gaules de novembre- 
      décembre 1778, lequel adopta les deux Codes qui forment effectivement 
      sa constitution - le Code des Loges Réunies et Rectifiées, 
      et le Code des Règlements généraux de l'Ordre des Chevaliers 
      Bienfaisants de la Cité Sainte - il existait néanmoins auparavant, 
      depuis 1774-1775, sous la forme des trois Directoires Ecossais d'Auvergne, 
      d'Occitanie, et de Bourgogne. Or, presque tout de suite, dès 1776, 
      ces Directoires Ecossais passèrent avec le Grand Orient de France 
      - fondé, lui, en 1773, trois ans seulement plus tôt, par transformation 
      de l'ancienne Grande Loge de France - un Traité d'alliance et d'union. 
      Ainsi donc, dès leurs naissances respectives, le Grand Orient de 
      France et le Régime Ecossais Rectifié furent amis et alliés. 
      
      Ce Traité de 1776 fut renouvelé en 1811, et c'est dans sa 
      lignée que s'inscrit la Convention de reconnaissance mutuelle et 
      de coopération conclue cette année entre le Grand Orient de 
      France et le Grand Prieuré des Gaules et qui a été 
      ratifiée, d'abord en juin, puis ce mois-ci, par les instances délibérantes 
      des deux Obédiences. 
      Je veux souligner un point. C'est du traité de 1776 que le Grand 
      Orient de France tire son droit légitime à mettre en oeuvre 
      le Régime Rectifié. Quant au Grand Prieuré des Gaules, 
      il tient le sien par héritage des Directoires Ecossais de 1774 -75, 
      à la faveur d'une succession que chacun connaît. De l'une ou 
      l'autre de ces deux sources, et d'elles seules, dérive la pratique 
      du Rectifié dans toutes les Obédiences où elle est 
      en usage. Certes, depuis lors, le temps a marché. La franc-maçonnerie 
      du XXIe siècle n'est plus celle du XVIIIe siècle. Mais elle 
      n'est plus, non plus, celle du XIXe siècle finissant. 
      Ce que j'entends par là, c'est ceci. Le Rectifié est un rite 
      chrétien : le dire n'est pas une révélation foudroyante 
      ! Au XVIIIe siècle, cela ne faisait pas tache dans ce qu'on n'appelait 
      pas encore le " paysage maçonnique français ", les 
      loges étant alors toutes, sinon chrétiennes en soi, du moins 
      peuplées de chrétiens (et même d'ecclésiastiques). 
      Chacun sait que la Révolution française et ses conséquences 
      politiques, morales et sociales, changèrent les choses du tout au 
      tout, sinon dans l'immédiat, du moins à terme. Un siècle 
      plus tard, en 1889, la franc-maçonnerie et l'Eglise catholique étant 
      devenues chacune une machine de guerre contre l'autre, l'existence d'un 
      rite maçonnique chrétien était une incongruité, 
      un non-sens : on le vit bien à l'occasion de la crise qu'occasionna 
      la création du Centre des amis au sein du Grand Orient de France, 
      en 1910. 
      Et pourtant ! Un quart de siècle seulement plus tard, en 1935, en 
      même temps qu'était créé le Grand Prieuré 
      des Gaules, le Régime rectifié retrouvait droit de cité 
      au Grand Orient de France. 
      Les choses ont tellement évolué depuis, notamment sous l'impulsion 
      du Grand Maître Alain Bauer, qu'a été créé 
      le Grand Prieuré Indépendant de France pour gérer l'Ordre 
      Intérieur jusque-là pratiqué au sein du Grand Orient 
      de France - Grand Prieuré Indépendant de France dont des représentants 
      éminents nous ont fait l'amitié et l'honneur de leur présence 
      aujourd'hui. 
      Parallèlement à cette évolution tout à fait 
      remarquable du Grand Orient de France, la pratique du Rectifié a 
      connu un succès croissant, que nul n'aurait pu imaginer cinquante 
      ans plus tôt. Indépendamment de la Grande Loge Nationale Française 
      (que je mentionnerai uniquement pour mémoire, sans autre appréciation, 
      chacun comprend pourquoi
), je citerai principalement la Loge Nationale 
      Française et les Grands Prieurés Unis qui lui sont liés, 
      avec qui nous avons passé notre tout premier accord, un an avant 
      le Grand Orient de France et qui sont, eux aussi, l'une et les autres, éminemment 
      représentés ici ; et la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique 
      Opéra, avec laquelle nous n'avons pas encore de tel accord, mais 
      il faudra bien qu'il vienne
 Le Rectifié n'est donc pas un rite 
      passéiste, tout démontre le contraire : c'est un rite d'avenir. 
      Un rite dont l'avenir n'est pas en marge du paysage maçonnique français, 
      mais en bonne place dans ce paysage, comme je le disais auparavant. Ce qui, 
      historiquement, j'y insiste, n'était pas donné d'avance ! 
      A quoi vise, en effet, l'initiation - pour résumer les choses ? A 
      la réalisation la plus complète possible - et dans un but 
      non égoïste - de l'homme dans toutes ses composantes. Autrement 
      dit, à la redécouverte, puis à la reconquête, 
      par l'homme de son authenticité, libérée des scories 
      qui l'occultent et des déterminations étrangères qui 
      l'aliènent. 
      Or cette authenticité, pour plusieurs, comporte une dimension essentielle 
      : la religion, ou mieux, la foi. Et, pour certains, cette foi et cette religion 
      sont la foi et la religion chrétiennes. Séparer à toute 
      force cette dimension des autres dans le parcours vers l'authenticité 
      qu'est le processus initiatique, serait un comportement schizophrénique 
      que rien n'autorise ni ne nécessite. Comme le disait le Grand Maître 
      Alain Bauer : quelle est la règle qui interdit qu'il y ait des maçons 
      chrétiens ? 
      C'est donc le parti que nous avons pris délibérément, 
      au Grand Prieuré des Gaules : nous affirmer publiquement, je dirai 
      même nous afficher, sans ostentation ni bravade, mais sans timidité 
      non plus, comme des Maçons chrétiens et des Chevaliers chrétiens 
      - d'où l'intitulé que nous avons statutairement accolé 
      à celui de Grand Prieuré des Gaules : " Ordres " 
      - au pluriel - " des Chevaliers Maçons chrétiens de France 
      ". Des Chevaliers et Maçons chrétiens acceptés 
      et reconnus comme tels par les autres, en vertu de la règle d'or 
      qui régit la Maçonnerie française dans son nouvel état 
      : le respect sans condition ni restriction des autres dans leur identité 
      propre, donc dans leur différence, donc dans leur liberté 
      ; en d'autres termes le refus de toute uniformisation aliénante. 
      
      Qu'il soit bien clair au passage qu'en déclarant notre qualité 
      de Maçons chrétiens, nous n'affirmons pas seulement nos convictions 
      personnelles, mais bien notre façon de travailler maçonniquement, 
      à savoir que nous travaillons avec des rituels chrétiens. 
      J'entends par là les rituels primitifs avant leur déchristianisation 
      partielle ou totale : non seulement les rituels rectifiés mais aussi 
      ceux d'autres rites, français ou anglo-saxons. À ceux qui 
      seraient enclins à voir là une attitude de fermeture sur soi, 
      une tendance à la ghettoïsation, je répondrai que les 
      événements prouvent le contraire. En premier lieu, nous nous 
      sommes ouverts à d'autres rites que le Rectifié. Le Grand 
      Prieuré des Gaules est passé d'une structure monolithique, 
      celle du Régime Rectifié, à une structure obédientielle 
      multirituelle. 
      Certes, le Rectifié reste notre rite fondateur et demeurera sans 
      doute prépondérant pour longtemps ; mais les autres rites, 
      dans l'intégralité de leur structure, ont toute leur place, 
      dans une parfaite égalité de droits. 
      Cela nous a amenés - et c'est le deuxième point - à 
      engager une refonte structurelle et statutaire du Grand Prieuré des 
      Gaules/Ordres des Chevaliers Maçons Chrétiens de France, afin 
      de conférer à sa " classe maçonnique " - 
      pour parler comme Willermoz - un fonctionnement obédientiel, indispensable 
      pour cette coexistence de rites divers et égaux. Cette refonte, décidée 
      dans son principe, n'est pas une mince affaire, mais elle est en bonne voie. 
      
      Enfin - dernier point, et peut-être le plus important - tout ce que 
      j'ai dit plus haut vaut pour nous pleinement, mais pour nous exclusivement. 
      J'entends par là que ce que nous nous imposons à nous-mêmes 
      librement, nous ne l'imposons à personne d'autre. C'est la règle 
      d'or que j'invoquais tout à l'heure. D'ailleurs, nous avons trop 
      lutté afin de sauvegarder notre identité et notre liberté, 
      pour chercher à nier et à piétiner celles d'autrui 
      ! Quand bien même nous le pourrions, que nous ne le voudrions pas. 
      
      Nous acceptons parfaitement que les autres soient ce qu'ils sont, dès 
      lors qu'eux-mêmes acceptent que nous soyons ce que nous sommes. Et 
      quelle meilleure acceptation réciproque que l'établissement, 
      de préférence formalisée, de relations de coopération 
      et de travail ? Dans ce cadre, nous pratiquons la vertu d'hospitalité, 
      et nos portes sont largement ouvertes. 
      Je conclurai par la troisième commémoration que j'avais annoncée 
      en commençant. J'ai dit tout à l'heure que le processus initiatique 
      était une redécouverte et une reconquête par l'homme 
      de son authenticité, et j'ai parlé de lutte pour la sauvegarde 
      de l'identité et de la liberté. Ce que j'ai dit de l'homme 
      vaut aussi pour les Ordres, les Systèmes ou Régimes, les rites 
      - dont le Régime et le Rite Rectifiés. C'est ce labeur qu'accomplit, 
      c'est ce combat que mène depuis un quart de siècle, au service 
      de l'Ordre, d'abord comme Grand Chancelier, puis comme Grand Maître, 
      notre Sérénissime Grand Maître Daniel Fontaine, dont 
      nous allons très bientôt fêter les vingt ans de Grande 
      Maîtrise. C'est à sa détermination, à son opiniâtreté, 
      à son charisme aussi, que le Rectifié doit, au sein du Grand 
      Prieuré des Gaules, d'avoir surmonté les embûches, les 
      chausse-trapes, les attaques sournoises ou violentes, et aussi d'avoir retrouvé 
      son éclat originel. J'ai été - je suis toujours - le 
      témoin de ce travail acharné qui porte maintenant de beaux 
      fruits. Qu'il me soit permis d'exprimer à celui qui est vraiment 
      pour nous un " Grand " Maître toute notre gratitude et toute 
      notre affection ! 
      Oui, cette fête de l'Ordre de la Saint - Michel est vraiment une journée 
      de fête ! Fête du renouveau dans le rassemblement fraternel. 
      Les Ordres des Chevaliers Maçons chrétiens pourraient avoir 
      pour devise : l'amour de Dieu et l'amour de tous les hommes en Dieu. Car, 
      pour nous, tous les hommes, même s'ils ne le savent pas, sont fils 
      de Dieu
 
      La réalisation initiatique, je le disais tout à l'heure, ne 
      peut pas être égoïste. Elle inclut donc nécessairement 
      la dimension de la charité. " Charité " peut se 
      dire autrement : " amour fraternel ". Mais que les choses soient 
      bien claires : l'amour fraternel n'est pas un égoïsme partagé. 
      C'est-à-dire que cet amour ne s'arrête pas aux limites du Rite, 
      ou de l'Obédience, ou de la Franc-maçonnerie, ou de l'Eglise, 
      ou de quoi que ce soit d'autre : c'est un amour sans limite, puisque tous 
      les hommes sont frères, étant fils d'un même Père. 
      Tel est sans doute le message que les Francs-maçons - " ceux 
      qui croient au ciel et ceux qui n'y croient pas " - peuvent adresser 
      au monde présent, qui est un monde sans coeur : un message d'amour. 
      Qui ne soit d'ailleurs pas seulement un message, mais qui se traduise en 
      actions concrètes et effectives. 
      Mes Frères, réjouissons-nous de nous retrouver désormais 
      avec nos Frères dont nous étions depuis si longtemps séparés, 
      pour coopérer ensemble à ce grand oeuvre de la fraternité 
      universelle. On me pardonnera de terminer par ce qui, pour moi, résume 
      le mieux ce vers quoi nous tendons notre accomplissement : 
      " Gloire à Dieu au plus haut des cieux, Paix sur la terre, Bonne 
      volonté parmi les hommes ! "