LE SAINT-HOMME
(Chapitre tiré du Tao-The-King, traduit par le Dr.Marc-Haven.)

Le Saint-Homme, sous des vétements grossiers, garde un joyau dans son sein (70).

Le Saint-Homme est la lampe du sanctuaire dont le doux rayonnement indique l'entrée de la Voie sans nom. Il a reçu de la suprême Vertu une jeunesse d'âme inaltérable et des pouvoirs illimités; cependant rien ne permet, extérieurement, de le distinguer des plus humbles et des moins favorisés dans le milieu où il est placé (1). Aussi les hommes ne le classent-ils pas parmi leur élite ; il passe inconnu ou méconnu, et la plupart de ceux qui pressentent sa sublimité intérieure ont peine à la discerner sous le voile grossier de sa condition humaine.

Parce qu'il est naturel et vrai, il paraît primitif, fruste, plein d'imperfections (2), dans un monde où s'impose le vernis de l'éducation acquise. « Tout le monde dit que je suis grand mais que je ressemble à un déshérité. 0r c'est précisément parce que l'on est grand que l'on est déshérité » (67 ).

Dans l'éloignement où nous sommes de l'absolue Réalité, nous ne voyons pas que la Lumière éternelle resplendit au sein de notre obscurité et que la vraie noblesse se cache sous de pauvres apparences.

Pour comprendre le Saint-Homme, il faudrait pouvoir s'identifier à lui, rendre à notre âme sa transparence première, redevenir naïfs comme le petit enfant qui trouve le merveilleux tout naturel, parce qu'il sait d'instinct que tout ce qui est naturel est merveilleux (3) ; il faudrait ne rien savoir, ne rien désirer, c'est-à-dire tout attendre de l'Inconcevable qui est en nous comme nous sommes en lui. Mais ne serait-ce pas exiger que líélève fût l'égal du Maître ? Chercherions-nous la trace de ses pas si nous étions déjà entrés dans la Voie où l'on ne peut s'égarer?

Aussi bien suffit-il d'abandonner nos préjugés, de faire taire notre intellect durant quelques instants, pour que, à défaut d'une réelle compréhension, le modèle présenté par Lao Tseu sous tant d'angles différents, nous apparaisse d'une beauté surnaturelle (4) .

Ecoutons ce soliloque dont la mélancolie n'est qu'apparente : « Tous les hommes sont pleins d'ardeur, exaltés comme pour un festin, semblables à ceux qui font une ascension au printemps. Moi seul suis calme, sans réactions, comme le nouveau-né qui n'a pas encore souri, errant sans dessein, sans but!

Les autres hommes ont tous du superflu, moi seul suis comme un déshérité (5). Mon cúur est celui d'un simple d'esprit, trouble, confus ! (6). L'homme vulgaire est éclairé, moi seul suis plongé dans la pénombre. L'homme de la foule est précis, perspicace ; seul, je suis replié sur moi-même, mouvant comme la mer, flottant sans arrêt. La multitude des hommes se rend utile ; moi seul suis inapte, semblable à un paria ; moi seul diffère des autres hommes, parce que je vénère la Mère nourricière » (20 ).

Si nous prenions au sens littéral, sans autre guide que notre raison, ce jugement porté par le Saint-Homme sur lui-même, nous nous écrierions : quelle épave ! tant il est difficile de saisir ce qui se passe dans l'être humain libéré des chaînes du moi (7). Ses sens sont devenus de paisibles miroirs, où les créatures se reflètent telles qu'elles sont (8). Il níy pas d'idées arrêtées, ni de pensées circonscrites. Comme il ne lutte pas et n'oppose aucune résistance aux assauts venus du dehors, il n'y a plus en lui de clôtures ni de frontières. L'Esprit le pénètre de toutes parts et le meut comme le vent du ciel pousse un voilier dont les amarres sont rompues. Il perçoit les formes en gestation au sein de la Grande Vertu (9). Est-il surprenant que ses facultés humaines éprouvent parfois le désarroi des ombres qui s'effacent devant l'aurore ? Pour vivre comme nous, parmi nous, et se mettre à la portée de nos vues étroites, de nos conventions compliquées il doit être brisé (10) et se faire d'autant plus petit qu'il est grand dans les Cieux.

Ce contraste inouï dont il est seul à avoir conscience, crée en lui, par humilité extrême, un sentiment d'infériorité lorsqu'il regarde agir ses semblables. Mais dans les profondeurs de son être, il n'y a pas de place pour le doute ou l'inquiétude, car il est uni à la Mère nourricière, ne voit et n'agit qu'en elle, par elle, pour elle. N'ayant rien en propre il reçoit tout, n'apprenant rien il sait tout, ne voulant rien, il peut tout (11).

Si Lao Tseu insiste sur ce cri humain d'impuissance, ce n'est pas pour souligner la situation du Saint-Homme dépaysé dans la jungle des luttes terrestres, mais pour montrer que la royauté intérieure est édifiée sur le dépouillement des attributs d'une forte individualité. En effet, dans l'homme régénéré, l'exaltation du moi avide de jouissances, la soif de posséder, la confiance en soi, l'habileté entreprenante vers des buts utilitaires sont remplacées par la paix du non-désir, la pauvreté du détachement (12), le sentiment de ne rien pouvoir faire soi-même (13), la simplicité inhabile et désintéressée ; ce qui n'est possible que par l'union avec la Vertu, dans les petites choses comme dans les grandes.

Le chapitre 15 répand de nouvelles clartés sur le même sujet. Lao Tseu y a condensé ce qui émeut, transporte, éblouit, déconcerte aussi, chez les Saints-Hommes de la lignée traditionnelle. On mesure par là le degré de sa propre illumination, puisque seul le semblable peut connaître son semblable.

Il est impossible de rendre intégralement le sens de la plupart des caractères chinois composant ce chapitre. Le Vieux Philosophe, qui communiait avec l'esprit des anciens Sages et vivait en eux comme ils revivaient en lui, a choisi, pour les dépeindre, des mots difficiles à traduire évoquant ce qu'ils avaient d'admirable, de merveilleux, de divin.

« Les Sages parfaits de l'antiquité, dit-il, étaient insaisissables, surnaturels, mystérieux, pénétrants, si profonds qu'on ne pouvait les connaître. Comme on ne pouvait les connaître, on ne peut que tenter de les dépeindre » (15 ).

Quand nous écrivons qu'ils étaient pénétrants cela ne signifie pas seulement qu'ils lisaient dans les cerveaux et les cúurs, mais qu'ils possédaient la Connaissance intime des êtres et des choses (14). Cette Connaissance, née d'un amour universel et d'un don de soi illimité, les identifiait à la vie de toutes les créatures, comme si leur esprit s'était vêtu du corps de l'Univers. Et, en fait, n'en était-il pas ainsi ? Maîtres de leur propre destin, ils avaient choisi d'être les auxiliaires de toutes les destinées particulières (15).

Silencieusement ils allégeaient la peine de toute existence sur laquelle se posait leur doux regard intérieur. Ils prenaient une part des fardeaux trop lourds, écartaient des obstacles, aplanissaient les sentiers individuels (16) et, en adeptes éclairés du Non-agir, ils le faisaient avec une délicatesse infinie pour que tout être humain se trouve, et pour l'aider à rester lui-même. Voilà pourquoi « ils étaient attentifs! comme celui qui traverse un cours d'eau en hiver, prudents! comme celui qui craint ses voisins, réservés ! comme celui qui reçoit l'hospitalité, effacé! comme la glace fondante... ».

A quoi leur auraient servi les masques de l'éducation mondaine puisqu'ils voulaient être, non paraître (17). Aussi se montraient-ils véridiques, « simples ! comme le bois non travaillé ... »

Ils avaient creusé en eux l'abîme de silence et de recueillement sans lequel la Vertu du TAO n'aurait pu leur disperser ses trésors ; c'est pourquoi ils étaient « vides ! comme la vallée ... » (18).

Attachés au Réel par delà les apparences, ils participaient à l'existence temporelle en restant unis à l'éternel et percevaient ainsi la splendeur de ce qui nous paraît vil (19). Quel rapport y a-t-il entre la simplicité spontanée de leur Connaissance et le labeur de nos facultés cherchant le Vrai ? En maintes circonstances leur comportement aurait heurté ou scandalisé notre logique. Certains voyaient naître des miracles sous leurs pas, d'autres les considéraient comme des ignares, bons à rien ; et, pour le plus grand nombre, ils étaient déconcertants, incompréhensibles, « troubles ! comme l'eau límoneuse (20) ».

Ce qu'ils étaient réellement, ce qu'ils pouvaient, Lao Tseu le fait entrevoir à la fin du même chapitre. Nés à l'Esprit, ayant en eux le calme pur, ils pouvaient pacifier, guérir, rénover et contribuer ainsi au retour des êtres dans le Non-être. Cependant, ô paradoxe humiliant pour l'entendement humain ! leur personne gardait les plus modestes apparences de notre nature terrestre ; ils restaient incomplets, imparfaits selon le monde, semblables à un vase d'argile ébréché qu'on dédaigne sans voir qu'il contient un trésor inestimable (21). « Qui peut, par le calme, clarifier peu à peu ce qui est impur ? Qui peul naître peu à peu au calme et s'y maintenir toujours ? Celui qui garde le TAO. Il ne désire pas être plein, mais vide.
Cíest pourquoi il peul être méprisable et dépourvu de perfection temporelle » (15). Car « la perfection accomplie semble incomplète, mais elle sert sans s'user. La grande plénitude paraît vide, mais elle donne sans s'épuiser. La grande droiture paraît courbe, la grande habileté paraît maladroite, la grande éloquence semble bégayer». Et on pourrait paraphraser ainsi la fin de ce chapitre 45 : la vivacité de l'Esprit triomphe du froid de la matière, la paix intérieure vainc l'ardeur des passions, et par le calme pur du Non-agir, le monde se rectifie.

L'humilité est à l'origine de la lumière qui auréole le Saint-Homme (22). Elle est la fontaine de Jouvence de sa sérénité, de ses pouvoirs miraculeux, de sa Charité inépuisable.

« Il oublie sa personne » 7 et « ne se considère pas comme grand, ainsi il peut accomplir sa grandeur » 34 et 58. En restant dans son obscurité et son opprobre, il devient le modèle de l'Empire et la Vallée du Monde ch. 28 (23).

Il n'est rien en l'homme qui puisse remplacer l'humilité s'il veut entrer dans la vie intérieure et devenir le serviteur de la Vertu (24). Lao Tseu revient sans cesse sur cette vérité fondamentale. Elle coule et scintille à travers son úuvre comme une eau vive, épousant toutes les formes, contournant tous les obstacles pour ouvrir un passage étroit mais sûr vers la Voie éternelle (25).

Aussi, pour essayer de nous faire une idée du Saint-Homme, devions-nous méditer d'abord les textes qui le situent dans le très humble effacement grâce à quoi il est le trait d'union du Ciel et de la terre. Ces méditations éclairent un peu sa physionomie, mais elles font apparaître en même temps l'impossibilité pour la pensée de parvenir à la connaissance vive de son illumination. Il faudrait, en effet, pour accéder au centre de sa gloire être aussi humble que lui et, même s'il en était ainsi, nous ne pourrions en parler plus intelligiblement que ne l'a fait le Vieux Philosophe. Nous nous bornerons donc à citer quelques passages du TAO TE KING où sont esquissées les dispositions les plus intérieures de celui qui a recouvré la Simplicité originelle. Ces révélations se réfléchissant les unes sur les autres, constituent le meilleur témoignage d'une Réalité inaccessible à notre intellect.

Libéré de la multiplicité des apparences, le Saint-Homme embrasse l'Unité indivisible de l'Esprit et de la matière Ch. 22. Ayant accompli dans le Repos le renouvellement de sa destinée Ch. 16 (26), il est devenu celui qui « conforme sa volonté et ses actions à la Volonté du TAO, ses non-interventions au Non-agir du TAO. El parce qu'il aspire à l'Union suprême, le TAO l'accueille avec joie » 23.

« Inondé de lumières de toutes parts » 10, il a atteint le Non-savoir et le Non-agir Ch. 48 et « n'appartient plus à la terre de mort h » 50, car il a « hérité de l'éternel » 52 et obtenu la véritable immortalité Ch. 16 (27).

Lao Tseu résume ainsi la communion du Saint-Homme avec le TAO et l'universalité des créatures : « Celui qui sait ne parle pas ; celui qui parle ne sait pas. Clore sa bouche, fermer ses portes, tempérer son ardeur, se dégager de ses liens, harmoniser ,sa lumière, s'assimiler à son milieu, cela s'appelle la mystérieuse union (28). 0n ne peut l'obtenir et avoir des affections, on ne peut l'obtenir et faire des différences, on ne peut l'obtenir et réaliser des profits, on ne peut l'obtenir et léser autrui, on ne peut l'obtenir et apprécier ceci, déprécier cela » 56 .

Il est dans notre nature de porter nos regards et nos pensées au loin, toujours plus loin, en haut, toujours plus haut. Cette tendance reflète une aspiration innée vers un noble destin et témoigne de notre divine origine. Mais elle est aussi à la base de l'illusion qui nous fait rechercher au dehors ce qui est au dedans de nous, oublier le présent pour supputer l'avenir, négliger le devoir immédiat pour rêver à de vastes réalisations ou à des actes héroïques.

Le sublime et le merveilleux nous attirent, mais nous ne comprenons pas que ce que nous appelons ainsi tient à l'essence de notre être, et qu'il suffirait de vivre quotidiennement avec amour et désintéressement, pour que tout se transfigure (29).

C'est en cela que le Saint-Homme est un modèle pour le Monde.

Il est bon, certes! que notre admiration contemple silencieusement les sommets où sont célébrées ses noces spirituelles et que notre piété se penche sur le mystère de sa régénération, puisque nous sommes tous appelés à entrer dans la Voie sans nom ; cependant il est plus instructif et plus urgent de le suivre pas à pas sur les routes terrestres où il accomplit sa mission.

Cette mission est l'image de ce que doit être celle de l'humanité dans l'Univers, Et de même qu'íl est « roi, semblable au Ciel, uni au TAO » 16, de même tout homme est, dans l'ordre spirituel, un prince qui s'ignore. Si cet homme est encore en bas âge, enfant ou adolescent quant à l'éveil de la Connaissance, un jour viendra où il sera roi, et il ne saurait mieux se préparer à l'exercice de son mandat divin qu'en suivant l'exemple du Saint-Homme.

Tous les enseignements du TAO TE KING sont illustrés par cet exemple et si Lao Tseu a pu nous révéler l'esprit de la Tradition avec une puissance et une simplicité qui forcent l'admiration, c'est que jamais il ne perd de vue l'être idéal en qui s'incarne la Vertu du TAO. Cela lui est d'autant plus facile que la spontanéité originelle retrouvée est la source de son inspiration.

S'il nous était donné de vivre près du Saint-Homme, nous serions surpris de constater que ses connaissances et ses capacités relatives au plan matériel ne sont pas tributaires de la mémoire, mais spontanées. Aussi n'a-t-il jamais recours aux clichés et aux formules dont nous usons si fréquemment. Il s'exprime avec une grande simplicité car « les paroles sincères ne sont pas recherchées » 81 ; cependant les mots ordinaires qu'il emploie ont, dans nos âmes, une résonance inaccoutumée. Ces pauvres expressions prennent dans sa bouche un sens nouveau et nous ouvrent les horizons infinis d'une sagesse oubliée. Les images, les comparaisons naïves qu'il improvise, baignent dans une clarté mystérieuse qui nous attire et nous émeut. Peut-il en être autrement puisque ce qu'il dit est le témoignage du Verbe éternel ?

Ses réponses aux questions posées peuvent différer de celles qu'il a faites en d'autres circonstances dans des cas apparemment semblables. Pourquoi s'en étonner ? Il connaît son interlocuteur mieux que celui-ci ne se connaît lui-même ; il voit par delà ses illusions sincères l'objet réel de son inquiétude et c'est à son être véritable qu'il répond en s'adaptant à l'état actuel de son individualité.

Ses paroles amplifient la voix de la conscience de ceux qui l'écoutent et ravivent leur lumière intérieure (30). En quelques mots il découvre à chacun son mandat, ses devoirs, les pierres d'achoppement qu'il doit éviter. Il « prescrit sans blesser, exhorte sans vexer, rectifie sans contraindre, éclaire sans éblouir » 58 et « aide les dix mille êtres à être eux-mêmes, mais sans se permettre d'agir » 64 (31).

Si son sobre langage a le don d'éveiller les âmes, ses actes sont aussi de muettes leçons qui se gravent dans les cúurs et y prennent vie quand l'heure est venue. Mieux encore, sa seule présence éclaire, dynamise, purifie (32). Ceux qui le suivent avec ferveur savent qu'il possède « la maîtrise par le silence » 43, enseigne et convainc sans parler (Ch. 2, 73).

Dans l'action, le Saint-Homme n'a ni la dextérité ni l'automatisme créés par la perpétuelle répétition qui transforme la plupart de nos actes en habitudes et notre attention en instinct.
On dirait un apprenti qui hésite avant d'entreprendre et tâtonne dans l'exécution. Pure apparence, il ne tâtonne ni n'hésite, mais attend que les portes du Ciel s'ouvrent, afin d'agir, non d'après sa propre volonté, mais conformément aux lois du Ciel (33), tout en tenant compte des temps, des lieux et des lois de la terre (34).

Il ne se hâte pas. Le temps ne compte pas pour lui (35). Que lui importe l'heure où síachèvera ce qu'il entreprend, puisqu'il construit dans l'Unité, pour l'éternel, sans escompter de profit, sans rien attendre en retour Ch. 2, 10, 77. En se consacrant sans réserves et sans désirs à ce qu'il fait, il sait bien que la Vertu saura réaliser ce que son incapacité personnelle ne lui aurait pas permis de mener à bien.

Pour la même raison, c'est par amour et non par curiosité qu'il concentre son attention méditative sur les imperceptibles commencements de toutes choses, là où s'éveille la vie, point de contact idéal avec le TAO. Il paraît alors totalement inactif ; cependant c'est grâce à cette apparente inertie qu'il réalise de grandes choses Ch. 73, car il est alors au centre du Non-agir. (36)

Nous ne pouvons líaccompagner sur ce plan où nous n'avons pas accès ; mais nous concevons aisément que ce qu'il opère ainsi par l'union de sa volonté à la Volonté du Ciel, a une portée et une efficacité sans commune mesure avec l'acte qui a servi de point de départ et avec son résultat tangible.

A la lueur de ces réflexions, on comprend mieux le sens de certaines paroles : « Soyez attentifs à la fin comme vous l'êtes au commencement » 64. « Dans l'Univers, les úuvres difficiles doivent se faire par le facile, les grandes choses doivent s'accomplir par l'imperceptible » 63. Il n'y a de grandes choses que celles qui sont conformes au TAO dans leur principe et leur fin. Et que faut-il entendre par « facile » et « imperceptible » sinon le recours au TAO, à l'Esprit, par qui tout s'accomplit sans peine.

« Pour le Saint-Homme, tout est également difficile », parce qu'il n'a pas confiance en lui-même, cependant « il achève tout sans difficulté » 63, car la Vertu du TAO éclaire son intelligence et guide ses mains (37).

Son humilité, le rayonnement de sa vie intérieure, l'efficacité de ses úuvres ne ranimeraient pas en nous la flamme qui renouvelle en consumant, si notre cúur ne s'ouvrait à l'esprit de Charité qui l'anime.

Tous les dons de la Vertu, depuis l'humilité jusqu'au Non-agir, sont en lui les modalités d'un amour universel que rien ne rebute ni ne déçoit (38). Cet amour pour toutes les créatures, sans exception ni préférences, est opposé par son essence à nos affections, où le Moi s'aime lui-même dans l'être de prédilection, et ne se donne qu'en escomptant, le plus souvent inconsciemment, une monnaie díéchange (39).

Le Saint-Homme n'a pas d'affections particulières (40) ; pour lui tous les êtres sont anonymes « comme le chien de paille » 5. Il ne fait pas de distinction entre proches ou étrangers, amis ou ennemis, dignes ou indignes, reconnaissants ou ingrats (41). « Je suis bon pour qui est bon et je suis bon avec qui ne l'est pas. C'est la bonté de la Vertu, certes ! » 49 (42).

La Charité intégrale, sans espoir de retour, est le plan de tous ses projets, le mobile de tous ses actes. « Il ne thésaurise rien; tout ce qu'il a, il s'en sert pour aider les autres. Ayant tout épuisé, il reçoit davantage et donne tout. Quand il a tout donné, il possède encore plus » 81. Intendant du TAO, il dispose de ressources inépuisables (43).

Les cúurs simples ne s'y trompent pas ; si on leur demande à quels signes ils reconnaissent le Saint, ils sont unanimes à répondre qu'il fait du bien à tous, partout et toujours, sans jamais nuire à quiconque. Ne cherchant ni à connaître son ascèse, ni à pénétrer les mystères de sa vie intérieure, ils voient en lui un envoyé divin dont le sacrifice résorbe leurs souffrances et fait naître la paix dans leurs âmes. N'est-ce pas la plus juste idée que l'on puisse se faire du Saint-Homme ?

Incarnant la Vertu, il est la Vallée du Monde Ch. 28 vers laquelle s'écoulent d'En-haut les dons du Ciel et affluent d'ici-bas les appels des créatures. Et précisément parce qu'il est l'un des points cruciaux où s'opère la délivrance de la Création, cet être de lumière souffre dans son cúur qui est « celui du monde entier » 49, dans son intelligence, dans sa chair, pour les fautes, les excès et les maux de l'humanité (44).

C'est à cet holocauste dont il se fait la victime, pour aider le monde à vivre, que le Saint-Homme fait allusion quand il dit : « Prendre sur soi les souillures du royaume, c'est être le maître du génie des moissons ; prendre sur soi les malheurs de la nation, c'est être le roi du monde. » Lao Tseu conclut : « Paroles profondément vraies sous une apparence paradoxale » 78 (45).

NOTES

(1) Lorsque les messagers du SAINT, bénit soit-il ! descendent en ce bas monde, ils sont revêtus d'un corps pour ressembler aux êtres d'ici-bas ; car il faut toujours se conformer à l'usage de l'endroit où l'on se rend.
ZOHAR, t. II, p, 165-166.
(2) Dieu a frappé le plus souvent de la misère du péché justement les hommes qu'il a voulu choisir pour de grandes choses.
Maître ECKHART, Instructions spirituelles, p. 175.
(3) L'enfant qui voit en tout des merveilles, et qui vibre d'émotion et d'étonnement devant les coquillages avec lesquels il joue sur le sable, est plus proche de la divine vérité que l'intellectuel qui voudrait dépouiller le monde de son mystère et s'enorgueillit de nous montrer l'anatomie dans son impitoyable dissection.
... L'homme éveillé revient à l'émerveillement de l'enfance, et pour lui, le monde, tandis que les années s'écoulent, est toujours plus mystérieux et plus beau ; rien ne peut l'épuiser ou 'expliquer.
J.-J. van der LEEUW, La Conquête de líIllusion, p. 14.
(4) Bannis tes préjugés, et te voilà sauvé. Qui donc t'empêche de les bannir ?
Marc AURELE, Pensées, livre XII, p. 264.
La vérité ne saurait se refléter fidèlement que dans un esprit parfaitement limpide, cíest-à-dire exempt de toute idée préconçue. Seule une ingénuité absolue nous permet de discerner exactement ce que nous considérons, car pour que la réalité se révèle à nous, il faut lui prêter une attention respectueuse.
J. MULLER, Le Sermon sur la montagne, p. 16.
(5) Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des abris, mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer la tête.
Evangile selon St MATTHIEU, ch. VIII, 20.
(6) Le Sage est comme confus quelque irréprochable quíil soit, et se juge insuffisant, quelle que soit sa perfection.
LIE- TZEU. Trad. WIEGER, Chap. II N.
Le Sage s'abstrait du temps, et voit tout en un. Il se tait, gardant pour lui ses impressions personnelles, s'abstenant de disserter sur les questions obscures et insolubles. Ce recueillement, cette concentration, lui donnent, au milieu de l'affairage passionné des hommes vulgaires, un air apathique, presque bête. En réalité, intérieurement, il est appliqué à l'occupation la plus haute, la synthèse de tous les âges, la réduction de tous les êtres à l'unité.
TCHOANG-TZEU. Trad. WIEGER, chap. 2 G.
(7) L'homme grand n'a plus de moi; car il a relié toutes les parties en un ; contemplation extatique de l'unité universelle.
TCHOANG-TZEU. Trad. WIEGER, Chap. 17 A.
(8) A qui demeure dans son néant, tous les êtres se manifestent. Il est sensible à leur impression comme une eau tranquille ; il les reflète comme un miroir ; il les répète comme un écho. Uni au Principe, il est en harmonie par lui, avec tous les êtres.
LIE-TZEU. Trad. WIEGER, chap. 4 N.
(9) Cet être (le Sage parfait) n'entre plus en conflit avec aucun être, parce qu'il est établi dans l'infini, effacé dans líindéfini. Il est parvenu et se tient au point de départ des transformations, point neutre où il n'y a pas de conflit ..., il s'est uni au principe de toutes les genèses.
TCHOANG-TZEU. Trad. WIEGER, chap. 19 B.
(10) Il paie la joie de porter Dieu aux hommes par la souffrance de porter les hommes à Dieu ...
Jean de MENASCE. Quand Israël aime Dieu. p. 156.
(11) Un maître nommé Vincent dit : « L'esprit qui est détaché, sa puissance est si grande : ce qu'il voit, cela est vrai, et ce qu'il désire cela lui est accordé, et là où il commande il faut lui obéir ! » Oui, vraiment, l'esprit devenu libre, dans son détachement, il contraint Dieu à venir à lui ; et s'il était en état de demeurer sans forme et sans faire d'acte étranger à son essence, il tirerait à lui l'essence la plus personnelle de Dieu. Mais cela Dieu ne peut le donner à personne qu'à lui-même. C'est pourquoi avec l'esprit détaché, il ne peut faire autrement que de se donner lui-même à lui.
Maître ECKHART, De la pauvreté en esprit, p. 135.
« Si une chose n'était pas et que je te dise qu'elle est, elle serait immédiatement. »
Parole de M. PHILIPPE. Citée par le Dr Marc HAVEN dans Le Corps, le Cúur de l'homme et l'Esprit, p. 97.
(12) Nous prenons « pauvreté » dans un sens plus élevé : ceci est un homme pauvre, qui ne veut rien, qui ne sait rien, et qui n'a rien.
Maître ECKHART, De la pauvreté en esprit, p. 135.
(13) Heureux qui peut devenir ainsi l'instrument de la voix du Seigneur ! Il sera à l'abri de1íorgueil. Où pourrait-il le prendre ? Il a de la science ; il a de l'action. Mais il sait que lui-même est sans science et sans action ; puisque quand il est rendu à lui-même, et quand le souffle cesse d'agir sur lui, il n'a plus ni science ni action. Tout est plein de l'action du Seigneur. Homme, comment parviendrais-tu à mettre la tienne à la place ?
L. C. de SAINT-MARTIN, L'Homme de désir, p. 278.
(14) L'homme qui tient de l'action du Principe des qualités de roi, marche dans la simplicité et s'abstient de s'occuper de choses multiples. Se tenant à líorigine, à la source, uni à líunité, il connaît comme les génies, par intuition dans le Principe. Par suite sa capacité s'étend à tout.
... Dès quíil rencontre un être, il le saisit, le pénètre, le connaît à fond. Car les êtres étant devenus par participation du Principe sont connus par participation de la vertu du Principe.
TCHOANG-TZEU. Trad. WIEGER, chap. 12 C.
Les anciens Sages comprenaient le langage et pénétraient les sentiments de tous les êtres, communiquaient avec tous comme avec leur peuple humain ...
LIE-TZEU. Trad . WIEGER, chap. 2 Q.
(15) Participant dans tous les états de leur être aux profondeurs successives de la vie cosmique, ils mettent la terre en rapport avec les ordres de réalités de plus en plus lointains ont ils sont conscients eux-mêmes, et l'humanité avec les sources de plus en plus pures de la vie cosmique.
Ils ouvrent l'un après l'autre les canaux divins, les fontaines scellées d'où jaillissent les flots éternels.
Paul RICHARD, Les Dieux, p. 259.
(16) Parce que la matière est impure, et lourde, ils viennent s'en revêtir, afin de pouvoir infuser»en elle les forces les plus divines, et y réveiller le germe endormi des plus fécondes possibilités.
Cíest parce que la terre est encore un champ de conflits, de douleurs, de travail, cíest-à-dire aussi de promesses, qu'ils viennent pour y combattre jusqu'à la victoire, y souffrir jusqu'à líheure où toute larme sera tarie, y peiner jusqu'au jour des glorieuses transfigurations.
Paul RICHARD, Les Dieux, p. 259.
(17) Les gens ne devraient pas toujours tant réfléchir à ce qu'ils doivent faire, ils devraient plutôt penser à ce qu'ils doivent être, S'ils étaient seulement bons et conformes à leur nature, leurs úuvres pourraient briller d'une vive clarté. Si tu es juste tes úuvres le sont aussi. Ne pense pas mettre ton salut sur un « agir » : c'est sur un être qu'il faut le placer.
Maître ECKHART, Instruction spirituelle, p, 162.
(18) ... Le cúur vide a puissance sur toutes choses ! Qu'est-ce qu'un cúur vide ? Un cúur qui n'étant pas chargé ni troublé par quoi que ce soit, ni attaché à rien, ne voit nulle part dans le monde son avantage, mais est plongé entièrement dans la plus chère volonté de Dieu, ayant renoncé à la sienne propre !
Maître ECKHART, Instruction spirituelle, p. 60.
(19) Dès que nous voyons que les objets et les événements de notre monde ne sont que notre interprétation de la Réalité, le sens éternel de la chose en soi se révèle à travers son apparence dans le monde; nous voyons l'objet changeant, l'événement passager à la lumière de l'Eternel. A cette lumière ils ne sont plus laids ou mauvais ; ils partagent la grandeur de líéternelle Réalité.
Van der Leeuw, la Conquête de líIllusion, p. 198-199.
(20) Cette espèce d'hommes fut toujours inexplicable, et devait rester une énigme inexplicable pour l'homme des sens, parce qu'il n'avait point de sens pour le surnaturel et le transcendantal.
D' ECKHARTSHAUSEN, La Nuée sur le sanctuaire, p. 66.
C'est le destin et la glorieuse caractéristique des mystiques d'être insaisissables à la foule, impénétrables aux savants ; toute incursion dans leur domaine, toute dissection, toute explication n'atteint rien de leur réalité.
Dr Marc HAVEN. Préface aux Profonds Mystères de la Cabale divine de J. GAFFAREL. Trad. BEN CHESED, p. 9.
(21) Si donc vous voulez connaître ces grands serviteurs, vous approcher d'eux, ne les cherchez pas parmi les maîtres et les dominateurs de la terre, parmi les royautés visibles, parmi les affamés de puissance et de richesses illusoires : ils portent en eux-mêmes les biens véritables; comment la convoitise de ces vains simulacres les séduirait-elle? Ne cherchez point non plus, dans leur apparence extérieure, rien qui les signale à la curiosité ou à 1íadmiration de la foule, qui les distingue intentionnellement des autres hommes. Ils sont hommes et véritablement fils de l'homme; ils naissent comme tous leurs frères des mêmes éléments quaternaires de la substance, mais dans leur corps mortel c'est líêtre immortel qui se manifeste, celui qui peut dire : « Je suis d'en haut. »
Paul RICHARD, Les Dieux, p. 253-254,
(22) Si tu deviens humble, Dieu descend de sa demeure et s'installe en toi.
...L'humilité est donc la racine de tout bien et de tout ce qui l'accompagne.
...Toutes choses doivent s'accomplir dans l'homme vraiment humble. Il n'a pas à demander à Dieu, il peut commander à Dieu, car la hauteur de1a divinité n'est rien en soi d'autre ... que la profondeur de l'humilité ...
L'homme humble et Dieu ne font qu'un ; l'homme humble est maître de Dieu autant que de lui-même, et tout ce qui est dans les anges est propre à l'homme humble; ce que Dieu fait, l'homme humble le fait aussi, et ce que Dieu est il l'est : une vie et un être ; c'est pourquoi Notre-Seigneur a dit : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cúur. » ( Matthieu, XI-29.)
Maître ECKHART, Sermon N° 14. Trad. F. A. et J. M.
(23) Une tradition nous apprend que le monde ne subsiste que grâce à ceux qui se considèrent comme des « restes ».
ZOHAR, 1. III, p. 243.
(24) Si nous nous immergeons dans l'humilité, cela nous suffit, et nous satisfaisons Dieu par lui-même car nous sommes en cette immersion une vie avec lui, non selon la nature mais par l'immersion, puisque par l'humilité nous sommes descendus sous notre création et nous sommes écoulés en Dieu, qui est le fond de l'humilité. Et là il ne nous manque rien, car nous sommes immergés au travers de nous-mêmes jusqu'en Dieu, et là il n'y a plus de dons ni d'acceptations, ni rien qu'on puisse appeler là, car ce n'est ni là, ni ici, mais je sais où.
RUYSBROECK LíADMIRABLE, Le livre des douze vertus. Trad.
MAETERLINCK. Introduction aux Noces spirituelles, p. 51.
(25) Entrez par la porte étroite ..., car étroite est la porte et, resserrée la voie qui conduit à la vie, et il en est peu qui la trouvent 1
Evangile selon St MATTHIEU, ch. VII, 13-14.
(26) Le Vin de l'unification annule toute pluralité phénoménale, détruit le moi et absorbe tout dans l'unité.
NABOLOSI. Commentaire de l'Eloge du Vin d'Omar Ibn al FARIDH. Trad. DERMENGHEM, p. 122.
Celui pour qui l'unité est tout, qui ramène tout à cette unité, et voit tout en elle, ne sera point ébranlé, et son cúur demeurera dans la paix de Dieu.
IMITATION de N.-S.-J.-C., Livre I, Ch. III.
(27) Je ne suis d'aucune époque ni d'aucun lieu; en dehors du temps et de l'espace, mon être vit son éternelle existence, et, si je plonge dans ma pensée en remontant le cours des âges, si j'étends mon esprit vers un mode d'existence éloigné de celui que vous percevez, je deviens celui que je désire. Participant consciemment à l'être absolu, je règle mon action selon le milieu qui m'entoure. Mon nom est celui de ma fonction et je le choisis ainsi que ma fonction, parce que je suis libre; mon pays est celui où je fixe momentanément mes pas.
Le Maître inconnu CAGLIOSTRO, Mémoire pour sa défense, p. 282.
(28) Heureux le sort de celui qui sait opérer cette union ; un tel homme est aimé en haut et aimé en bas.
... C'est d'un tel homme durant son séjour en ce bas monde que l'Ecriture dit : « Et le Juste est la base du monde. »
(Prov., X-25).
ZOHAR, t. I, p. 264.
(29) Si votre cúur était droit, alors toute créature vous serait un miroir de vie et un livre rempli de saintes instructions.
Il n'est point de créature, si petite et si vile qui ne présente quelque image de la bonté de Dieu.
IMITATION de N.-S.- J.- C., livre II, Ch. IV.
(30) ... Je parle, et votre âme frémit en reconnaissant d'anciennes paroles; une voix, qui est en vous, et qui s'était tue depuis bien longtemps, répond à l'appel de la mienne ; j'agis, et la paix revient en vos cúurs, la santé dans vos corps, l'espoir et le courage dans vos âmes.
Le Maître inconnu CAGLIOSTRO Mémoire pour sa défense p. 282.
Un saint fait tressaillir ce qu'il y a de bon en nous et nous améliore ainsi.
Paroles de M. PHILIPPE.
(31) Celui qui comprend la valeur infinie des êtres raisonnables veut que les autres hommes soient libres et conscients, il se réjouit de leur développement spontané, s'applique à ne les contraindre ou les amoindrir en rien et ne tolère avec eux que des relations d'égalité.
N. LANDUR, Recherche des principes du savoir et de l'action, p. 74.
(32) L'influence est plus importante que l'exemple. L'influence n'est pas l'autorité extérieure de l'instructeur sur son disciple, mais e pouvoir de son contact, de sa présence, de la proximité de son âme pour líâme d'un autre en laquelle il infuse, même dans le silence, ce que lui-même est et possède. Ceci est le signe suprême du Maître. Car le plus grand Maître est bien moins un Instructeur qu'une Présence répandant la conscience divine et la lumière, la puissance, la pureté et la félicité qui la constituent, sur tous ceux autour de lui qui sont réceptifs.
AUROBINDO, La Synthèse des Yogas, p. 34.
(33) Je ne puis rien faire de moi-même. Selon ce que jíentends je juge ; et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma propre volonté mais la volonté de celui qui m'a envoyé.
Evangile selon St JEAN, ch. V, 30.
( 34) Il y a un temps fixé pour tout, un temps pour toute chose sous le ciel...
ECCLESIASTE, Ch. III, I.
(35) L'homme sage agit sans précipitation et ne voit rien qui . soit absolument urgent ... Ce sont les gens pressés qui font le malheur de ce monde ... Qu'avons-nous besoin de nous hâter ? Ne pouvons-nous pas attendre cent mille ans et plus ? .C'est la dignité de l'homme qui a une importance infinie, et elle se soucie moins de la fin que de la pureté des moyens.
N. LANDUR, Recherche des principes du savoir et de líaction, p. 68.
(36) Ils savent que les choses ne sont point ce qu'elles paraissent, et ce qu'ils font échappe aux mesures humaines; car rien n'est trop petit ni trop grand pour eux.
Chaque occasion, chaque circonstance minime est un signe, un appel des lois éternelles, une voix qui leur fait entendre les mots d'ordre universels. Et, parfois, c'est par un seul geste, par un seul exemple, en un seul instant, quíils déposent dans le sein des choses, dans le sillon des destinées, le germe des transformations, des révolutions et des rénovations futures.
Parfois c'est dans le silence et la solitude, quand ils paraîssent ne point agir, quand ils semblent dormir du sommeil des nuits, que leurs travaux géants s'accomplissent.
Paul RICHARD, Les Dieux, p. 261-262.
(37) Que la lumière du Seigneur notre Dieu se répande sur nous : conduis d'en haut les ouvrages de nos mains et que les ouvrages de nos mains soient conduits par toi-même.
Psaume 90, v, 17.
(38) C'est sur l'Amour que tout est basé, ainsi qu'il est écrit : « Les grandes eaux ne peuvent éteindre l'Amour. » (Cantique des cantiques, VIII, 7.)
ZOHAR, t. VI, p. 23.
(39) Ce que nous entendons far amour, dans notre ordre temporel, est l'attrait sensitif qui nous est commun avec la bête, quoique chez l'homme nous le possédions à un degré plus élevé, l'ayant peint avec les couleurs les plus séduisantes, en le nommant sentiment, amour désintéressé, amitié, etc., quoique chez nous, comme chez les animaux, il ne puisse avoir d'autre source que l'égoïsme et le bien-être du Moi.
L. M. LATOUR, Le triomphe de l'Amour ..., t. II, p. 54.
(40) Le Sage, en son cúur, a pour tous la même bienveillance égale, la même divine affection. Les circonstances peuvent déterminer l'étreinte extérieure ou le conflit extérieur, mais ne peuvent affecter son úil égal, son cúur ouvert, sou embrassement intérieur de tout.
La BHAGAVAD GITA. Interprétée par AUROBINDO, chap. V, v, 18.
(41) De même que les roses sont entourées díépines, de même le SAINT, bénit soit-il, régit son monde avec des justes et avec des coupables.
ZOHAR, t. III, p. 100.
L'amant aime tout. Et ce qu'il dit est véridique : à savoir que, pour autant quíil comprenne, le Bien reste possible, même pour le pire des hommes, même au dernier moment ; donc quíil peut y avoir encore de l'espoir. C'est vrai ; et chacun en constatera la vérité dans son rapport avec autrui, s'il veut mettre un frein à son imagination, et sans se laisser troubler ou obnubiler par des propriétés opposées à l'amour, tenir son regard invariablement tourné vers le possible où se reflète l'éternel.
KIERKEGAARD, Vie et règne de l'Amour, p. 274-275.
(42) Et moi je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous deveniez en enfants de votre Père qui est dans les Cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et descendre la pluie . sur les justes et les injustes.
Evangile selon St MATTHEU, chap. V, v. 44-45.
(43) Celui qui aime, court, vole ; il est dans la joie, il est libre, rien ne l'arrête. Il donne tout pour posséder tout ; et il possède tout en toutes choses, parce qu'au-dessus de toutes choses il se repose dans le seul être souverain de qui tout procède et découle.
IMITATION de N.-S.-J.-C., livre III, ch. V.
(44) Communiant avec toutes les souffrances humaines, les connaissant toutes, les comprenant toutes, les appelant toutes, ils les purifient en eux-mêmes. Ils savent ce les qui se cachent sous les apparentes frivolités, comme aussi sous les apparentes méchancetés ; et là où d'autres voient la faute, ils voient la douleur, ils voient la misère, ils prennent sur eux son fardeau, le fardeau que porte tout corps et toute âme, l'infini fardeau des deuils et des gémissements de la terre.
Et pour répondre à l'incessant soupir qui monte du cúur des hommes et du cúur des choses, ils ouvrent le leur, afin que l'Hôte intérieur qui l'habite, le Dieu qui est en tous puisse accomplir en tous son úuvre. Et la source d'amour qui de ce cúur déborde, console, pardonne, guérit.
Ils sont de ceux qui peuvent dire en síoffrant à tous : « Prenez, mangez, ceci est ma chair; buvez, ceci est mon sang ». Car en vérité ils sont sur la terre les représentants du Grand Holocauste qui répand ses forces et les distribue en tout ce qui vit.
Paul RICHARD, Les Dieux, p. 264-265.
(45) Lorsque l'homme est digne il constitue lui-même un sacrifice propre à obtenir la rémission des péchés du monde.
ZOHAR, t. I, p.383.