AVIS SPIRITUELS
Ioannès

Le sujet abordé au second chapitre des "AVIS SPIRITUELS", n'a rien de commun avec ceux qui précèdent. La description et l'organisation d'une journée type ponctuée par comportements qui deviendront des automatismes permettant de s'élever spirituellement, est momentanément suspendue, pour être remplacée par un enseignement d'une tout autre portée. Le repas n'est plus qu'un prétexte, un simple support d'analogie permettant de comprendre, en l'appliquant sur le plan physique, une loi fondamentale dont PHANEG nous révèle l'existence sans nous en justifier la réelle importance.

En fait, l'objectif est ici de nous dévoiler les caractéristiques d'un état supérieur de conscience définie comme étant la réalisation de "l'ETRE TOTAL". Il est le fruit d'un exercice d'alchimie spirituelle consistant à fusionner des éléments préalablement sublimés du corps, de l'âme et de l'esprit.

A l'image des aliments émanant des trois règnes inférieurs qui sont absorbés pendant le repas et qui deviennent des constituants à part entière de la cellule humaine, il existe un processus de transmutation des composants de l'homme.

Comment y parvient-on ?

En créant un clivage dans sa conscience, en prenant du recul par rapport à soi-même, en considérant d'une part son propre corps comme un véhicule occasionnel et temporaire et d'autre part sa personnalité individuelle comme indépendante, supérieure et éternelle. On devient alors l'observateur de sa propre existence terrestre, relativisant les événements du monde extérieur, favorisant la naissance d'une entité intérieure qui régit et anime le corps et qui permet l'immersion dans une conscience de plus en plus étendue s'élevant vers le Père.

Une lecture rapide pourrait nous laisser supposer que ce passage décrit l'aspect particulier d'une approche générale, l'un des multiples sentiers qui cheminent vers le ciel, mais ce texte fait écho à certaines études publiées sur la nature humaine et met l'esprit en éveil.

Nous trouvons en effet chez JUNG et notamment dans "L'HOMME A LA DÉCOUVERTE DE SON AME" des propos qui interfèrent curieusement avec ceux de PHANEG.

Il semblerait alors que ce chapitre évoque une clef fondamentale de l'évolution de l'Homme, ce qui laisserait sous entendre que dans notre contexte il ne s'appliquerait plus à un simple sentier, mais à la structure invisible qui soutient l'archétype même de la voie ascendante.

En effet: A l'aube de l'humanité, seule l'âme collective existe. Il n'y a pas d'individus, mais des groupes humains, comme il existe aujourd'hui chez les animaux des âmes communes à chaque espèce. La conscience individuelle n'émerge que graduellement au cours des progrès ultérieurs d'une longue évolution qui se déroule sur des millénaires.

La condition primordiale de l'apparition de cette conscience individuelle est la différenciation entre sa propre conscience et celle du groupe. L'homme se regarde dans un miroir et perçoit son individualité. Par cette prise de conscience il s'exclue du groupe; c'est le résultat d'un acte de rupture et d'hostilité, qui instaure le règne de la dualité. Pour la première fois l'homme exerce son libre arbitre pour saisir la liberté.

La Genèse situe une parfaite harmonie entre les plantes, les animaux, les hommes et Dieu dans le symbole du Paradis, qui s'explique alors par un état précédant l'évolution psychique. Elle discernera donc le péché originel comme étant l'apparition de la conscience individuelle, définie comme une séparation ou une chute.

Cette croyance universelle fait partie intégrante de la mémoire collective et ce avec d'autant plus de force et de puissance que cette même aventure se réalise sur plusieurs plans à la fois, notamment au niveau du traumatisme de la naissance qui laisse dans le subconscient l'idée d'un état prénatal de paix et de sécurité semblable à celui d'un paradis perdu. Ainsi toutes les traditions antiques se réfèrent au Mythe de l'Age d'Or qui est resté, depuis les origines jusqu'à nos jours, une constante de l'aventure humaine.

En réalité, ces avatars obéissent à une loi universelle émanant d'une conception divine de la création. Ce sont des clichés qui se répercutent dans tous les mondes qu'ils traversent. La psychologie et la naissance n'en représentent que des expériences non exhaustives.

Ainsi, pour les textes bibliques, c'était en effet pécher que de rompre la loi de l'Unité sacrée baignant dans la nuit originelle faite d'une conscience vague, diffuse, des choses et de l'univers. Ce fut la révolte satanique des êtres émanés, contre l'Unité. Ce fut un acte violent d'opposition et d'affrontement, du disharmonique contre l'harmonique, une rupture de l'alliance universelle, une décision volontaire pour se soustraire à la pensée divine.

« Je mettrai l'inimitié entre toi et ta femme, entre TA postérité et SA postérité. Celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon. »
En résumé, le germe du mal dissociant fondit sur l'âme humaine le jour où la conscience naquit.

Pourtant la conquête de la conscience individuelle fut le fruit le plus précieux de l'Arbre de Vie, l'arme magique qui permit à l'homme de progresser en cherchant la victoire sur lui même par la connaissance.

« Vous serez comme des Dieux connaissant le bien et le mal. »

La démarche inverse proposée par PHANEG, dissociant l'esprit de la matière, constitue en quelque sorte un mouvement de retour vers les origines de l'Homme, vers son Paradis perdu, car l'immersion dans la volonté toute puissante du Père dissout en fait les individualités et se traduit par un effort réelle de réintégration.

« La place de l'homme est disposée avec une telle sagesse qu'en retournant sur ses pas et en remontant les mêmes routes qui l'avaient égarées, il est certain de regagner son rang primitif. Or la Réintégration est la condition même du Martinisme. »

L'homme, dans le miroir, n'aperçoit plus son visage, mais celui d'un inconnu couvert du masque noir.

« Qui es-tu mon Frère ? »

« Es-tu philosophe de l'Unité ? »

« Pense, mon Frère, que l'Unité n'est manifestée que par opposition à elle-même », et que la connaissance du Créateur n'est possible qu'en s'éloignant de Lui pour prendre conscience de Sa présence et chercher à Le rejoindre.

Telle est la loi d'évolution !

Commentaire du Chapitre III: Le Repos - Le Sommeil

Réunion du Chapitre de Paris en date du 22 octobre 2000:

Un chapitre sur le repos et le sommeil pourrait paraître contradictoire dans ce recueil d'AVIS SPIRITUELS parce que l'enseignement de PHANEG implique une action spécifique sur soi-même, résultat d'un effort lent et constant de la volonté pour s'harmoniser avec la Providence; alors comment pourrait-on agir pendant une période d'inconscience notoire, où la volonté semble totalement absente ?

En fait, PHANEG distingue deux phases successives lorsqu'il évoque le repos:
La première est une phase préliminaire au cours de laquelle est effectuée une rétrospective des événements passés, suivi d'un examen de conscience, dont l'objectif est de rectifier, d'améliorer nos implications futures dans la vie quotidienne.

Dans un second temps, ce prélude au sommeil doit être consacré à la prière:
- Prière pour acquérir la clairvoyance, afin de se maintenir dans la voie du Christ et la Volonté de Dieu,
- Prière contre les dangers de la nuit et les tentations du monde de la matière,
- Prière d'intercession en faveur de nos frères dans la détresse;
car PHANEG nous affirme que la prière métamorphose les rêves en élevant l'âme vers les plans divins.
Ce point est capital. L'auteur le souligne expressément:

« C'est seulement cette connaissance que je désire vous donner ! » précise-t-il, faisant de ce précepte l'enseignement essentiel de son discours sur le repos.

Après cette première phase de mise en condition succède, enfin, le sommeil accompagné de ses rêves. Ils traduisent le résultat de nos efforts dans l'impulsion donnée à la conscience avant de s'endormir. D'où l'importance de les noter, afin d'apprécier le chemin parcouru.

Mais alors, une suite de questions se posent:
Comment un rêve peut-il révéler un état d'âme ?

Pourquoi les anciens considèrent-ils que la volonté des Dieux se manifeste dans le sommeil sacré des Temples et dans l'extase de l'Oracle ?

Enfin et surtout, comment le rêve peut-il engager une élévation progressive de la conscience jusqu'au seuil des plans divins ?

Nous allons donc définir le rêve et constater que cette croyance du contact divin à travers lui est intégralement basée sur la connaissance de ce que l'on appelle "l'Occultisme".

Pour s'en convaincre, il suffit de lire un article de PHANEG publié dans « L'INITIATION » en Juillet-Août 1905, bien avant qu'il ne s'engage dans sa mission évangélique, bien avant la rédaction de ses "AVIS SPIRITUELS" et qui s'intitule "L'ETAT DE REVE". Ces deux textes se répondent et s'éclairent mutuellement.
Mais d'abord, précisons ce qu'est le rêve.

La fatigue ayant déconnecté le cerveau en stoppant l'influx nerveux, celui-ci se trouve totalement isolé du monde extérieur. Privé d'une sollicitation active de tous les instants qui le polarise entièrement, il continue seul sur sa lancée, faisant ressurgir sous forme de rêves les préoccupations temporairement masquées par les priorités imposées durant l'état de veille.

Son rôle est de participer à l'état général de repos en tant que régulateur, soupape de sécurité ou de contrepoids, indispensable pour sauvegarder l'équilibre psychique. Il extériorise les éléments refoulés de l'inconscient. Il désamorce, dédramatise, en les banalisant, les actes qui traumatisent et encombrent l'esprit; il prolonge un état de félicité, il reconstitue un environnement de sécurité qui rassure, il apaise et diminue les tensions et le stress.

Le rêve s'exprime avec des images qu'il va puiser dans notre mémoire individuelle, mais son déroulement n'est qu'une succession d'impressions, de sentiments, de ressentis. Les images sont de simples supports servant à véhiculer des idées. Seules les idées s'enchaînent.

Contrairement à l'état de veille où les hommes communiquent entre eux dans un langage construit sur un raisonnement de déduction et de logique, le rêve ne parle que par rapprochements, analogies et symboles. Il se développe suivant un mode archaïque de la pensée, celui qui fut utilisé à l'aube de l'Humanité, d'où des difficultés d'interpréta-tion.

A côté du rêve qui équilibre le psychisme en répondant aux stimuli du corps physique, il existe des songes troublants qui se construisent sur des images issues de sources indéterminées, ce sont:

- la vision des événements du passé pour des scènes auxquelles nous n'avons pu assister et les rêves prémonitoires: la vision du futur,
- les visites posthumes,
- des expériences qui semblent provenir d'un monde de manifestation différent du notre,
- des sentiments étranges totalement absents de notre expérience terrestre.

Pour répondre à toutes ces énigmes observées depuis la plus haute antiquité, pour répondre à une série de phénomènes mystérieux et connexes provoquant un sommeil artificiel, tels que la perte de conscience et les états comateux, pour expliquer les phénomènes paranormaux de somnambulisme, d'extase, d'état médiumni-que et sa corrélative le spiritisme, on a été amené à élaborer, et ce en concordance totale avec la Tradition, une théorie logique et générale, qui tente d'apporter la lumière sur l'intégralité de ces phénomènes multiples. Cette vision du monde, c'est l'Occultisme.

Dans ce contexte spiritualiste du discours de PHANEG, l'Occultisme n'est nullement incongru, car, en vérité, il sert de base aux préoccupations et aux croyances de l'auteur. Dans l'introduction de son recueil "LETTRES A DES CROYANTS" n'avoue-t-il pas:
« Je suis venu à l'Évangile par les chemins de l'Ésotérisme, de la Tradition Occidentale et de l'Occultisme. »

N'est-ce pas là également la voie d'éveil proposée dès l'origine de notre Ordre ?

« Si l'on veut implanter le Spiritualisme dans les milieux actuels, il faut partir de bases scientifiques irréfutables, faire la part de la matière et des phénomènes dont elle est le siège et la part de l'élément divin, c'est-à-dire de l'Esprit. Donc, à la base de la doctrine Martiniste se trouvera une psycho-physiologie déterminant le rôle du corps, de l'âme et de l'Esprit... » (Jean BRICAUD dans "NOTICE HISTORIQUE SUR LE MARTINISME").

L'Occultisme enseigne, en effet, que dans le sommeil le moi réel, la conscience, n'est plus dans le cerveau, mais dans une entité séparée du corps physique: le Corps Astral, qui est un double subtil et invisible de l'homme. Ce corps lumineux par lui-même est capable de s'extérioriser. Il s'éloigne donc pendant le sommeil, ce qui explique à la fois la perte de conscience pour le sujet et sous certaines conditions la vision du double fantomatique. Le Corps Astral préside à la marche et à la défense de l'organisme en dehors de la volonté consciente: il conserve et perpétue aussi bien les formes, les images que les idées, il tient le rôle de l'âme dans le monde intermédiaire, et correspond à Yetsirah dans la Kabbale. Il est le moyen terme entre l'Esprit et la Matière.

Dans une allégorie bien connue de Papus reprise ultérieurement par Joanny BRICAUD dans "PREMIERS ÉLÉMENTS D'OCCULTISME", on considère le composé humain comme une voiture attelée où le cocher est l'Esprit, le cheval est l'Ame ou le Corps Astral, et la voiture le Corps physique.

Le corps astral imprègne à demi le corps physique constituant l'Astral Inférieur, il est lui-même imprégné à demi par l'Esprit: c'est l'Astral Supérieur.

Lorsque le sommeil est assez profond, le double, dans sa partie supérieure, se retire lentement hors du corps, laissant la partie inférieure à la surveillance des fonctions inconscientes. D'ordinaire, il flotte au-dessus ou dans le voisinage du corps physique presque aussi inconscient que lui, reprenant des forces dans son propre plan.

A notre époque où l'égoïsme et les tendances matérielles règnent si largement sur le monde, les rêves physiques sont prédominants. Il sont générés par les stimuli en provenance du corps et remplissent pleinement leur office de régulateur dans l'équilibre psychique perturbé.

Mais, à un degré plus avancé de l'évolution, lorsque que l'égoïsme commence à être remplacé par la charité et l'oubli de soi-même, les préoccupations mondaines disparaissent jusqu'à s'effacer totalement, les soubresauts du psychisme s'estompent. Peu à peu libérée, la conscience s'éveille, laissant s'exhaler une sensibilité plus profonde et plus subtile qui émane du cœur, elle suit lentement l'évolution de l'esprit vers la lumière.

Nous voyons ici les symboles du Masque et du Manteau appliqués à l'âme humaine: nous sommes montés d'un degré dans la perception du symbole, et le cordon ombilical qui relie le corps astral prend alors naissance dans le cœur de l'homme, lieu de toutes les transmuta-tions. La voie cardiaque n'est pas une théorie abstraite.

Ainsi, le rêve, reflet de la conscience, s'élève toujours plus haut dans l'Astral et en rapporte le souvenir de son expérience et les enseignements qu'il aura reçus par les contacts qui se seront réalisés. Il en gardera une impression très vive se traduisant au réveil par un progrès moral, un pas de plus vers le Bien.

Ses sens et ses organes commenceront alors à s'adapter à ce milieu astral, en se familiarisant aux nouvelles lois. Il n'y séjournera d'abord que par de brèves périodes, mais plus tard ce nouveau monde deviendra son héritage.

En s'éveillant ainsi progressivement sur le monde invisible, l'âme aura la faculté de devenir l'instrument parfait dans les mains de l'Esprit. Les clichés de l'avenir et ceux qui gardent mémoire du passé lui seront révélés.

Ainsi, au fur et à mesure que nous progressons sur le chemin, notre âme se purifie et notre cerveau physique sensibilisé gardera en mémoire le souvenir de nos actes de la vie astrale et les nouvelles connaissances que nous y auront acquises.

Ioannès

La Monade Hiéroglyphique du Dr John DEE (1564)